L'Iran gronde
Alors qu'on attend avec impatience le prêche du vendredi du principal aytollah du pays, des dizaines de milliers de partisans de Mirhossein Moussavi ont à nouveau manifesté jeudi en Iran, cette fois-ci en sa présence. A l'appel du candidat officiellement battu à la présidentielle, ils ont rendu hommage aux civils morts dans des heurts avec les miliciens islamistes. De son côté, le pouvoir tente de reprendre la main, mais l'unité de façade du système semble se fissurer.
La mobilisation ne faiblit pas en Iran. Pour le sixième jour consécutif, des dizaines de milliers de partisans de Mirhossein Moussavi sont descendus dans la rue, jeudi. A l'appel du candidat officiellement battu à la présidentielle, ils ont défilé, pacifiquement, dans les mosquées ou sur les places publiques, pour rendre hommage aux victimes des violences post-électorales. Depuis la présidentielle du 12 juin, huit personnes ont été tuées dans des heurts avec les miliciens islamistes, selon une chaîne publique iranienne, et des dizaines d'autres personnes ont été arrêtées. Par solidarité avec les proches des victimes, les manifestants, qui scandaient "Allah est le plus grand!", étaient vêtus de noir et portaient des cierges. D'autres brandissaient des photos de disparus; d'autres des banderoles sur lesquelles on pouvait lire "Où sont nos frères? Pourquoi les avez-vous tués?", ou encore "Frères martyrs, nous récupèrerons vos suffrages!", allusion à la fraude présumée le jour du scrutin. En fin d'après-midi, Moussavi, lui aussi vêtu de sombre, s'est joint au cortège avec sa femme, Zahra Rahnavard, et a pris la parole, porte-voix en main, sur la place Imam Khomeini de Téhéran, noire de monde.
Face à ce flot de contestation, le pouvoir en place cherche à reprendre la main. Vendredi, jour des prières hebdomadaires, le Guide suprême de la révolution, Ali Khamenei, doit prononcer un sermon très attendu. Le même jour, les partisans d'Ahmadinejad descendront à leur tour dans la rue, pour manifester leur force. Les arrestations et intimidations, aussi, se poursuivent. L'opposant Ebrahim Yazdi, qui dirige le prohibé Mouvement de la liberté et qui fut le premier ministre des Affaires étrangères iranien après la révolution de 1979, a été interpelé jeudi alors qu'il se rendait à l'hôpital. Deux enfants de l'ancien président Akbar Hashemi Rafsanjani, opposant déclaré au président Mahmoud Ahmadinejad, ont pour leur part reçu une interdiction de sortir du territoire. Faezeh Rafsanjani, fille de l'ex-président qui dirige aujourd'hui l'Assemblée des experts, avait pris la parole mardi lors d'un rassemblement de partisans de Moussavi à Téhéran.
Plus graves troubles depuis 1979
Dans le même temps, le ministère du Renseignement a annoncé jeudi avoir déjoué un complot terroriste qui projetait de faire exploser des bombes dans des mosquées et autres lieux de grande affluence à Téhéran le jour même du premier tour de la présidentielle. Un complot lié, selon les autorités en place, à "des ennemis extérieurs à l'Iran", comme Israël.
Dans ce climat de tensions accrues, l'unité de façade du système commence à se fissurer. Les manifestations qui se succèdent ont conduit le Conseil des gardiens de la Constitution à annoncer qu'il recevrait samedi les trois candidats battus pour discuter des recours déposés contre les résultats du scrutin. Les 12 membres de ce conseil (six religieux et six juristes islamiques) habilité à juger des contentieux électoraux ont commencé à examiner les 646 plaintes pour irrégularité déposées après l'élection. Car les résultats annoncés par le pouvoir sont à l'origine des troubles les plus graves depuis la révolution islamique de 1979.