Rejeté de Grande-Bretagne, abattu au Darfour

Publié le par JSS

Alors qu'ils sont sauvés par les autorités israéliennes, les réfugiés du Darfour ne subissent pas le même sort en Angleterre.  Ainsi, rejeté de Grande-Bretagne, l'assassinat d'un réfugié darfouri expulsé par les Britanniques relance le débat sur les demandeurs d'asile et la situation dramatique dans cette partie de l'Afrique.

Adam Osman Mohammed, 32 ans, a été abattu chez lui devant sa femme et son fils de 4 ans quelques jours après son arrivée dans son village, dans le sud du Darfour. Des agents l'avaient pris en filature depuis Khartoum. Cette affaire devrait être utilisée par les défenseurs du droit d'asile qui s'opposent au souhait du ministère de l'Intérieur britannique de faire lever l'interdiction de renvoyer au Soudan les personnes dont la demande d'asile a été rejetée. Les avocats du gouvernement s'apprêtent en effet à plaider en faveur du renvoi de quelque 3 000 personnes à Khartoum.
Les partisans du droit d'asile rappellent qu'Adam Osman Mohammed, un Darfouri non arabe, était venu en Grande-Bretagne pour échapper aux persécutions au Soudan. Le village où il était agriculteur avait été attaqué deux fois par les janjawids, les milices arabes, et il avait dû s'enfuir avec sa famille. Séparé de sa femme lors de la deuxième attaque sur le village, il avait fui au Tchad avant de gagner la Grande-Bretagne en 2005.
Sa demande d'asile a été définitivement rejetée en 2008 et il a été rapatrié à Khartoum en août, dans le cadre du programme de retour volontaire du ministère de l'Intérieur. Il est resté quelques mois à Khartoum puis est rentré au Darfour pour retrouver sa famille. Selon Mohammed Elkazi Obubeker, son cousin, qui préside l'Union du Darfour au Royaume-Uni, "les forces de sécurité l'ont suivi jusqu'à un autre village, Calgoo, où sa femme et son fils avaient trouvé refuge. Ils sont arrivés, l'ont cherché et l'ont abattu devant sa femme et son fils." Waging Peace, association de défense des droits de l'homme qui compte porter le cas de M. Mohammed à l'attention du Tribunal pour l'asile et l'immigration en avril, déplore toute tentative de lever l'interdiction de rapatriement des Darfouris non arabes au Soudan. "Le gouvernement persiste à vouloir renvoyer les demandeurs d'asile du Darfour, mais on a du mal à comprendre sur quoi il fonde cette décision. La Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar El-Béchir pour les meurtres commis pendant le génocide. Si le ministère de l'Intérieur croit qu'on peut renvoyer des gens dans ce pays où il existe des preuves manifestes de génocide, cela montre qu'il n'a vraiment aucune idée de la situation là-bas", assure Louise Roland-Gosselin, sa directrice.
Pour Jan Shaw, qui dirige le programme des réfugiés au Royaume-Uni d'Amnesty International, "le Darfour est toujours extrêmement dangereux. Il y règne un climat d'insécurité et les violations des droits de l'homme s'exercent en toute impunité. Les femmes risquent toujours le viol et on continue à tuer des civils ou à les contraindre à partir de chez eux. Même à Khartoum, nous craignons que les Darfouris risquent d'être persécutés. Le Royaume-Uni doit traiter les déboutés avec humanité. Or, dans la plupart des cas, ils ne disposent d'aucun soutien et peuvent se retrouver à la rue sans rien. Il est tragique que certaines personnes soient tellement désespérées qu'elles retournent au Soudan en dépit des risques que cela présente pour leur sécurité."
"Le gouvernement soudanais soupçonne, à tort ou à raison, toute personne revenant du Royaume-Uni d'être contre lui. Ces gens-là sont considérés comme des ennemis de l'Etat. Ce qui est arrivé à mon cousin est terrible. Il voulait vivre en Grande-Bretagne parce qu'il savait que ce serait trop dangereux pour lui de vivre au Darfour. Tout ce qu'il voulait, c'est une nouvelle vie dans ce pays – et il en est mort", ajoute Mohammed Elkazi Obubeker. Pourtant, lorsqu'on lit les directives du ministère de l'Intérieur à l'usage des agents qui traitent les demandes d'asile de personnes originaires du Darfour, il est clair que le gouvernement britannique pense que les personnes renvoyées à Khartoum ne sont pas en danger. "Les autorités soudanaises sauront selon toute probabilité qu'une personne renvoyée au Soudan a en vain cherché à obtenir une protection internationale au Royaume-Uni. […] Cependant, un ressortissant soudanais ne courra aucun risque en retournant à Khartoum, que ce soit à l'aéroport ou à l'extérieur, par le seul fait qu'il revient au Soudan volontairement ou involontairement", explique l'un des documents.
De son côté, un porte-parole de l'agence chargée des dossiers explique que son orgnisme examine "chaque demande d'asile avec le plus grand soin et qu'il existe un contrôle exercé par des tribunaux indépendants. Nous continuons à suivre la situation au Soudan. En juillet 2008, nous avons décidé d'arrêter d'y renvoyer les Darfouris non arabes tant que les tribunaux ne nous donnent pas leur aval."

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Publié dans Divers

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