Pourquoi Mahmoud Ahmadinejad pourrait l'emporter?
Le président iranien se présente pour un deuxième mandat aujourd'hui. Malgré une forte contestation en Iran, il a toutes les chances d'être réélu, estime Payam magazine, le journal de la communauté iranienne de Los Angeles.
Lorsqu'il s’agit de Mahmoud Ahmadinejad, il n'y a pas d'entre-deux : soit on l'aime, soit on le déteste. Ses partisans font grand cas de sa politique antioccidentale et anti-israélienne, ferme et souvent très énergique, tandis que ses opposants déplorent l'image négative de l'Iran qu'il donne en Occident, ainsi que ses mesures politiques, qui ont ruiné l’économie du pays, ou peu s’en faut. Et vous, vous sentez-vous prêts pour quatre nouvelles années d’Ahmadinejad ? En un sens, il vaudrait mieux que la réponse soit oui, puisque tout indique qu’à l’issue du duel électoral de juin, il sera "réélu" pour diriger le pays durant les quatre prochaines années.
La première raison de sa probable réélection est historique. En effet, depuis la naissance de la République islamique d’Iran il y a 30 ans, le pays a connu cinq présidents avant Ahmadinejad. Et parmi ceux qui se sont présentés à un second mandat, pas un n'a échoué. L’Iran a ainsi été présidé par Abolhassan Bani Sadr (destitué en 1981), Mohammad Ali Rajai (assassiné en 1981), Ali Khamenei (de 1981 à 1989), Ali Akbar Hachemi Rafsandjani (de 1989 à 1997), puis Mohammad Khatami (de 1997 à 2005). Les trois derniers présidents ont cumulé deux mandats consécutifs, comme le permet la constitution. A eux seuls, ils ont assuré la présidence de l’Iran durant 24 ans.
La deuxième raison est simplement économique. Tournons-nous un instant vers l’année 2005 et les dernières élections présidentielles. Un illustre inconnu, ancien maire de Téhéran, du nom d’Ahmadinejad, l’emporte haut la main (avec 62 % des voix) contre un adversaire renommé et puissant, Hashemi Rafsanjani. Les résultats des élections, qui tournent en ridicule les sondages et les analyses de la campagne, mettent en évidence ce point fondamental, au cœur de l’avenir du pays : l’Iranien moyen en a marre de la pauvreté, du chômage, de l’inflation, de la corruption et des autres maux de ce genre.
Or, Ahmadinejad, l’homme que l’Occident aime tant détester, a mené campagne sur des thèmes populistes, accusant les gouvernements précédents d’avoir creusé l’écart de revenu entre l’élite de Téhéran et la population pauvre des villes et des campagnes. Alors que l’opposition l’avait disqualifié comme n’étant rien de plus qu’un nouvel agent du régime, pendant sa campagne, il a promis d’améliorer la vie des classes pauvres et modestes en mettant "les revenus du pétrole sur la table du peuple". Quant au slogan de sa campagne, il affirmait : "C’est possible, nous pouvons le faire". D’une manière tout à fait compréhensible, le message d’Ahmadinejad a trouvé un écho auprès de l’Iranien moyen. Ahmadinejad se décrit lui-même comme un homme simple - et manifestement, la population a avalé cette version. Quoi que nous puissions penser ici, en Occident, là-bas, en Iran, les gens se préoccupent davantage de leur bien-être économique que de la société civile, des droits humains, de la liberté de la presse, etc. Aujourd’hui, près de quatre ans après son élection, même s’il est accusé d’être à l’origine de presque tous les fléaux qui se sont abattus sur l’Iran, Ahmadinejad peut réutiliser les mêmes arguments et mobiliser ses partisans de sorte à conserver son fauteuil. S’il n’a pas mis l’argent du pétrole sur la table du peuple, il a toutefois permis à de nombreux membres des Gardiens de la révolution [milice du régime] de s’enrichir. Ces alliés sont organisés, votent et peuvent pousser d’autres électeurs à aller voter.
La troisième raison pour laquelle je pense qu’Ahmadinejad sera réélu, c’est qu’en Iran, lorsqu’un nouveau régime est élu, tout le monde est instantanément, remplacé des ministres aux gouverneurs en passant par les maires. Ce serait un peu comme si après son investiture, Obama avait renvoyé tous les gouverneurs, maires, représentants et responsables locaux des Etats-Unis, de même que les présidents de l’ensemble des universités et écoles supérieures ! Chaque fois qu’un nouveau président est élu en Iran, cela prend entre 12 et 18 mois pour que tous les postes soient pourvus une première fois, puis une seconde fois, et que tout reparte à zéro. Ce phénomène, aussi stupide soit-il, a doté un segment de la société d’une nouvelle forme de pouvoir et de richesse. Et ces personnes feront tout leur possible pour qu’Ahmadinejad soit réélu.
Courrier International