Laissez parler Tata Znina et Fortunée !
Bien que le français soit devenu notre langue depuis la colonisation, nos grands-mères utilisaient souvent des expressions en judéo-arabes qu’il serait dommage d’oublier. La génération de ceux qui sont nés après l’indépendance de l’Algérie ne parle malheureusement pas l’arabe mais il lui reste quelques perles que nous avons voulu vous livrer. Nous vous les avons transcrits en phonétique dans la langue de la science et des poètes, pour que vous puissiez, le plus fidèlement possible les reproduire.
Vous verrez, c’est magique : si vous les prononcez, vous entendrez de nouveau ces grand-mères peu lettrées mais qui exprimaient tant de savoir et de sagesse avec leurs proverbes, et tant de bonté avec leurs bénédictions.
Laissez donc parler les Fortunée, Zmerda ou Ninette pour retrouver les sons d’antan.
Par Goerges Chouraqui (POUR YEHUDI - Merci à Richard J. pour l'info)
Al ‘hak :
"La vérité". Se dit lorsque quelqu’un éternue au moment ou une autre personne parle. Le Divin se manifesterait à travers l’éternuement prouvant la véracité des propos formulés.
Dans le même esprit, on dit aussi âtcha kheyr men chaed
Un éternuement vaut mieux qu’un témoin".
Âla ‘hayetiek :
"A ta santé". Se dit pour dire à quelqu’un qu’il a manqué.
Âyita ouchôud âla dba’h elghenfoud :
" Des grands cris et les témoins pour l’égorgement du hérisson". Cette expression moqueuse imagée signifie que l’on fait beaucoup de bruit pour peu de chose.
Âoued el passouk
Répète le passage". A l’origine, lorsqu’un élève faisait des erreurs en lisant la Torah , l’enseignant lui demandait de répéter le passage. Par la suite cette phrase a été reprise dans le dialogue courant et s’utilisait pour se moquer de quelqu’un qui répète la même chose plusieurs fois.
Atek biad saad, ata tmel menno
"Que tu aies de la chance jusqu'à ce que tu en aies marre".
Âtini dieli âlrass kalbi :
"Donne le moi (sous entendu, le mal) sur la tête de mon coeur". Nos grand-mères le disaient lorsqu’on se faisait mal, préférant prendre elles le coup, à la place de l’être chéri.
Bentmen ouen tchkoun ? :
À Constantine, notre identité ne vaut que par notre filiation. "Fille de qui, elle habite où ?" est la question essentielle posée aux femmes pour établir une rapide généalogie et savoir de qu’elle "Daar" (Maison, famille) elles sont.
Chaâ ou chaâ fik :
"Bien fait pour toi!". Se dit lorsqu’on se réjouit d’un petit désagrément de l’autre que la providence lui enverrait au moment opportun pour le punir.
Hada dounia : ?
"Quel monde" ou "quelle vie". Se dit en signe de désespoir devant des attitudes non conformes à la morale.
‘Hachek :
"Sauf ton respect". Les Constantinois faisaient très attention à ne pas offenser.
Kefta ou Ftil :
"boulette et couscous". Expression utilisée pour se moquer de l’accent constantinois dont la prononciation des T est si particulière (TCHI).
Khede men yed oua’had chebaân oulajâ ou metkhedech men elyed ‘eljân oula chbar :
"Prends de la main de celui qui n’a jamais eu faim et qui a faim et ne prends pas de celui qui a toujours eu faim et qui est rassasié". Proverbe qui signifie que celui qui a faim est généreux mais qui n’est plus dans le besoin oublie ce qu’est la nécessité.
Khamsa âlik :
"Cinq sur toi". Le chiffre cinq, comme le nombre de doigts de la main protègerait du mauvais œil.
Kheïr :
"Mieux". Lorsque nos mères ont peur d’entendre une mauvaise nouvelle.
Khemel yataleb lebra fi chechiya :
"Prépare toi à partir, l’aiguille est dans mon chapeau." `Tout est en ordre pour y aller.
Kifesh nâmel :
"Comment je vais faire?". S’emploie lorsque quelqu’un doit faire un choix cornélien. En général suivi de "ana maghbona (moi, la pauvre).
Koul oua’hâd ou sâdo :
"Chacun sa chance". S’emploie pour minimiser une malchance.
Lâdek :
"Que cela te soit épargné !" Souhait formulé après ou avant de parler d’une chose désagréable.
La’hchouma :
"La honte". Le pire sentiment qui soit est la honte dans le monde arabe.
Laykounmout l’gharbyin :
Prononcé à chaque occasion faste en pensant aux absents.
Laykoun mouttiek :
"Que ce ne soit pas ta mort".
Lah yister :
"D-ieu nous préserve". S’utilise lorsqu’on entend une catastrophe ou pour s’en protéger.
Lâqoba âm akhor :
"A la prochaine qui sera meilleure".
Lismar ifzâ ou litel yâ hrab :
"Celui qui entend prend peur, celui qui voit se sauve". S’emploie lorsque quelqu’un fait une description terrifiante
Makhassek :
"C’est tout ce qui te manque". Se dit au prétentieux disgracieux qui se croit l’égal de son interlocuteur.
Maya gzéra ! :
"Quelle catastrophe" "Quel malheur". De l’hébreu "gzéra", décret divin.
Maya ghola :
"Quelle sorcière". Se dit d’une femme qui crie et critique beaucoup.
Maya tré’ha :
"Quelle tannée!". Se dit d’une corvée.
Mentechouech :
"Que je sois épargné".
Merqa ou rouz :
"La sauce et le riz". Se dit d’un homme et d’une femme lorsqu’ils sont faits l’un pour l’autre.
Nefdek :
"Je te soulage" je prends à ta place, je t’en supplie.
Nefde zaïnek
"Que je prenne ta beauté!" Que tu es belle!
Ou ârliya :
"Sur moi". Se dit en cas de catastrophe.
Qtâ ou blâ :
"Déchire et avale". Expression utilisée lorsque quelque chose est facile à manger.
Shoufouni ya ness :
"Regardez-moi, les gens". S’utilise pour quelqu’un qui cherche à se faire voir et valoir. L’équivalent en français serait "un m’as-tu vu".
Smilah Mrâk :
"Le nom de D-ieu avec toi". Mot prononcé quand quelqu’un avale de travers.
Tâali dyini :
Se dit pour plaindre quelqu’un qu’on aime.
Tyich :
"Vis!". Se dit lorsque que quelqu’un éternue pour le préserver de l’ange de la mort qui profite de l’éternuement, moment de faiblesse, pour s’emparer de sa vie.
Tménik :
"Cinéma, genre, manières, …" (cf za’ama)
Yarani kabara lik :
"Que je sois kapara - expiation - pour toi". Pour montrer l’admiration.
Yamma el’hanina :
"Maman la clémente". Se dit souvent comme prélude à une plainte.
Ya ‘hasra :
Se dit pour manifester sa nostalgie d’un temps perdu.
Yâteni derba :
"Que je reçoive le coup (sous entendu, "à ta place")". Nos grand-mères le disaient lorsqu’on se faisait mal, préférant prendre elles le coup, à la place de l’être chéri.
Zâma :
"Soi disant, genre ". Se dit aux menteurs et aux hypocrites.