De passage en Israël...

Publié le par JSS

http://www.travelweekly.co.uk/assets/getAsset.aspx?ItemID=9712Voilà un article paru sur le site MediaPart. Il résonne comme une réponse à l'article mis en ligne sur ce blog, qui relatait l'histoire de ce jeune anti-feuj' qui voulait visiter la Palestine et qui a été refoulé à la frontière!


Je suis partie en Israël pour quelques jours. Des vacances en Israël... une chose qui ne m'était pas arrivée depuis longtemps.

Tout s'est un peu précipité: j'ai pris un billet à la dernière minute, je me suis occupée de mille petits trucs enquiquinants jusqu'à l'heure de mon départ, tout cela à fait que je n'étais absolument pas prête (psychologiquement parlant) quand je suis arrivée à l'aéroport.

Pour ceux qui ne savent pas, les vols pour Israël partant de France ou d'ailleurs, sont immanquablement “de l'autre côté” du Terminal... Rien ne sert de descendre là où le conducteur de la navette vous indique que votre enregistrement se fait, même s'il est renseigné, même s'il est de bonne foi, même s'il SAIT, même s'il vérifie... il vous faudra marcher quelques kilomètres pour vous rendre là où il faut, ça fait partie du jeu de piste avant l'embarquement qui, malgré des années d’expérience, ne vous sera jamais épargné.

Quoi qu'il en soit, une fois arrivé au fameux “autre côté”, c'est facile: il suffit de suivre les militaires français qui font des rondes, leur patrouille vous guidera vers le lieu du checkin ELAL, la compagnie aérienne israélienne dont le slogan est : more than an airline, it’s Israel ! (plus qu’une compagnie d’aviation, c’est Israël !)

 

En effet, c'est là que le choc culturel commence.

 

Dialogue entre les agentes au sol ELAL (les chefs sont toutes des femmes à deux exceptions prêt) depuis leur talkie-walkie… dialogue que chaque passager en possession d’un minimum d’Hébreu peut suivre entre deux grésillement de la ligne.

Motek (chérie) où tu as mis les fiches passagers, motek ?... Sababa (cool), détends toi, je vais te les chercher... Oy, oy, si les deux là continuent de me saouler je leur casse la gueule, je te jure je leur casse la gueule (rires dans le talkie)... haha, tu veux que je te remplace, je suis de bonne humeur, j'ai vu mon petit Français hier... ha bon... raconte, raconte, motek, fait nous rêver un peu...

Il y a quelque chose chez les Israéliennes que je suis condamnée pour toujours à contempler avec une admiration béate. Un mélange unique de virilité et de sensualité féminine qui me dépasse totalement, une manière de se camper face au monde, les jambes fermement plantées dans le sol, tête haute et cheveux aux vent l'air de dire: qu'ils y viennent, allez!... Elles vont jusqu’au bout d’une certaine idée d’égalité avec les hommes, je ne sais pas comment dire ça autrement. M’impressionnent.

"SHARON OU SONT LES PASSEPORTS?????? SHARON????” un homme s'époumone en direction d'une gamine qui courre de droite à gauche en faisant l'avion avec deux petits tas de papiers enveloppés de plastique.

Devant moi, une mère dispense à voix basse des conseils, pleins de conseils, beaucoup de conseils à son fils qui, le pauvre, part en colo : Parce que si la viande n'est pas cuite, elle contient des bactéries VIVANTES, mon fils, et les bactéries VIVANTES c'est mauvais mais alors mauvais mauvais mauvais... on peut en mourir... un vrai poison... il faut que ta viande soit très très cuite, toujours, sinon tu ne la manges pas quoi qu'il arrive même si on te menace tu ne la manges pas, jure moi que tu ne la mangeras pas... La mère finit par accepter de confier son fils qui au responsable de la colonie qui gère et les gamins et les mères d’une main de maître, sourire aux lèvres, dispensant T-shirts siglés, sourires, listes de téléphone où joindre les bambins pendant le séjour et des « ne vous en faites pas » profondément rassurants.

Le type qui est derrière moi colle son chariot dans les jambes une fois, deux fois, trois fois puis fini par me demander si cela ne me dérange pas si lui et sa vielle tante passent devant moi pour l'enregistrement, elle a mal aux jambes.

Bien sûr et sans problème.

De toute façon j'ai besoin d'un petit temps d'adaptation, moi.

http://3.bp.blogspot.com/_6PXDEvt6xlk/Ri-4FdfopQI/AAAAAAAABv0/2Zd-EIvE9Wc/s400/plage-+cafe+Tsfoni.jpgJe compte les kippas. Presque tous les hommes en portent. Même les chevelus branchés en ont une (non moins branchée... la plus cool étant, à mon humble avis, une kippa de velours bleue bordée d'or avec des lettres hébraïques qui ressemblent à des graffitis).

Je me demande comment les militaires français qui font leurs patrouilles perçoivent notre petit attroupement et la mission de surveillance toute particulière qui leur incombe et qui nous est réservée. Ils zigue-zaguent entre nous armes au poing avec l'air impassible de rigueur mais je suis sûre qu'ils n'en pensent pas moins.

"SHARON... LES PASSEPORTS!!!!” Sharon s'en fiche, elle se marre et tout le terminal 2A se marre avec elle. Sauf son papa qui transpire beaucoup en lui courant après.

 

C'est enfin à mon tour de passer par les questions de sécurité.

Parenthèse: c'est tout de même ironique que l'agent ELAL qui choisit qui peut ou pas monter dans l'avion pour la terre promise s'appelle un selector, un sélectionneur... ou c'est juste moi qui délire?

Le type se campe devant moi et me dévisage. Pourquoi tu es “montée” en Israël? Ben, je lui réponds, c'est le devoir de tous les Juifs d'aller peupler notre merveilleux pays, non? Il lève un sourcil ironique auquel je réponds d'un lever de sourcil ironique. Haha, qu'il fait. Haha, que je fais. Et plus sérieusement? Plus sérieusement, mon mari est Israélien. Ah, haval, dommage, qu'il répond avec un clin d'oeil. Il regarde mon passeport. Il est Juif, ton mari? Parce que Macedo c'est pas Juif, si? J'ai gardé mon nom et mon père est pas Juif. Ha... et ton mari il s'appelle comment? Lapid. Ça c'est un nom Juif... Non, c'est un nom israélien... C'est la même chose, non? J'ai envie de lui expliquer que justement pas du tout, mais j'ai la flemme d'un coup. Et dans tes valises, tu as quoi? Des vêtements et des livres. Sûre? Sûre. Pas d'armes? Non, non.

Voilà, ce sera tout. Depuis que j'ai un passeport israélien les entretiens préliminaires à la montée en avion sont beaucoup moins folkloriques... Le selector SAIT que je suis Juive, il a un document officiel qui le prouve et n'a pas besoin de me demander toutes sortes de questions subsidiaires pour connaître les vraies raisons de ma visite en Israël, ça va beaucoup plus vite.

Dernier appel pour les passagers en direction...

On y va, on y va.

 

L'avion arrive à bon port sous le tonnerre d'applaudissement habituel.

La voix suave de l’enregistrement ELAL : Shalom et bienvenus en Israël, nous espérons que votre vol c’est bien passé et que vous vous êtes sentis avec nous comme à la maison même loin de la maison… 

 A la vérification des passeports la policière me demande qu'est ce que je faisais si loin du pays pendant autant de temps... deux mois c'est long. Je travaillais. Et tu ne trouves pas de travail ici? Prête à dégainer mille excuses (après tout je suis encore une “nouvelle immigrante” et ne suis pas censée quitter le territoire pour longtemps) je comprends qu'en fait elle veut vraiment savoir pourquoi je ne trouve pas de travail au pays, ce n'est pas une question policière, c'est une vraie question. Je lui raconte,  mon film, le montage. Elle est vraiment intéressée.

Bonne chance!

Merci...

Le choc culturel continue et je n'arrive toujours pas à déterminer là où il s'achève...  il semble bien que mes deux mois à Paris ont réduit à néant ce qui était devenu ma familiarité avec le lieu et les habitants dudit lieu.

La serveuse qui s'assied à côté de nous pour parler de la chaleur qui fait gonfler ses jambes et me demande où j'ai acheté ma robe.

L'épicier à qui Nadav demande s'il ferme et qui lui dit: pourquoi veux-tu qu'on ferme, tu viens d'arriver! sois optimiste mon frère, vas y choisis ce que tu veux, le magasin est à toi!

Le cafetier qui me fait un clin d'oeil en voyant Nadav hésiter sur quelle boisson choisir: il sait pas se décider, lui, hein?

La caissière du supermarché qui fronce les sourcils devant les pâtes qu'on a choisi: pourquoi justement celles ci? il y a une promotion sur les Barrilla, les italiennes, c'est bien mieux.

 

En fait, Israël, plus qu'un petit pays, c'est une grande famille.

Le type qui te demande si sa vieille tante peut te doubler sait que sa tante c’est aussi un peu ta tante. La caissière dispense ses conseils maternels parce qu’après tout, elle est un peu responsable de ce que tu mets dans ton assiette. La serveuse est une cousine éloignée dont les varices, forcément, t'intéressent. L'épicier est l'oncle rigolard qui peut se permettre de se moquer gentiment de toi, comme le barman, parce qu'il connaît tes travers.

On peut parler de tout, on peut mal se parler, on peut rire de tout, on peut se houspiller autant qu'on veut: on est tous frères. Pas de chichis entre nous. Du tout. Je te dis les choses comme elles sont, tu me dis les choses comme tu les vois, comme tu les sens. On est ensemble pour le meilleur et pour le pire.

Ça a quelque chose de tentant, bien sûr.

C’est formidable de quitter un café qui ne prend pas la carte bleue sans payer pour revenir une heure après avec de la monnaie. Bien sûr que je te fais confiance, ahoti, ma sœur ! ne te presse pas, il fait trop chaud pour courir…

Puisque je viens pour un week-end, j'ai le droit à la prière spéciale du shabbat: la lecture des épais journaux de la fin de semaine.

L'article hebdomadaire de Gideon Levy titre BLACK IS (ALSO) BEAUTIFUL et porte sur les Juifs orthodoxes, les “noirs” (les religieux habillés de noirs, ou “haredim” ) qui ont depuis quelques semaines de cela des échauffourées à répétitions avec la police pour protester contre le traitement judiciaire d'une affaire d'abus d'enfants. Des vraies bagarres rangées que Nadav compare avec les émeutes des quartiers populaires français : une minorité opprimée qui s'insurge contre le traitement qui lui est imposé par un gouvernement qui ne reconnaît  pas ses droits.

Gideon Levy nous rappelle qu'il fut un temps où les religieux vivaient à l'intérieur de la communauté, non pas repliés dans des communautés parallèles, ce qui permettait une hétérogénéité de l'espace commun qui n'a plus du tout court aujourd'hui. Pire que ça, Levy souligne quelque chose qui est une évidence dans la société israélienne contemporaine : la haine viscérale du religieux orthodoxe (dont ne bénéficient pas les religieux-nationalistes, colons ou soutenant les colons).

En gros, les « noirs » religieux ne font pas vraiment partie de la « famille ».

Ils ne sont pas comme nous, ils ne vont pas à l’armée, ils parlent une langue bizarre (le yiddish est de rigueur en attendant l’arrivée du Messie, l’Hébreu étant réservé pour la prière), ils sont pauvres et ils vivent sur notre dos (en effet, les religieux orthodoxes sont le quart-monde israélien et vivent pour la plupart de subsides d’état), ils maltraitent leurs enfants et leurs femmes de façon tout à fait barbare (cette dernière affirmation étant tristement vraie : les femmes du microcosme orthodoxe sont soumises à un arbitraire patriarcal parfaitement horrible).

En bref, c’est eux qui s’obstinent à ne pas s’intégrer, pourquoi diable ferions-nous des efforts ? Nous leur apportons nos lois modernes et notre soutien financier, nous pouvons donc faire d’eux ce que bon nous semble, ils se doivent d’œuvrer pour nous et quand ce n’est plus le cas nous leur montrerons qui domine, par la force si nécessaire.

La « famille » d’Israël, c’est comme une vraie famille en ce sens, la mafia n'est jamais très loin : tu es dans la loi du clan ou tu dégage.

Une recommandation : le livre de Ella Shohat, Le Sionisme du point de vue de ses victimes juives, les juifs orientaux en Israël aux éditions La fabrique. Une analyse du passé des Juifs orientaux en Israël du point de vue de la réconciliation possible avec les autres Orientaux opprimés par le Sionisme, les Palestiniens. Un court livre très clair et proche dans ses thèses (que je me permettrai de qualifier d’optimistes ou du moins de porteuses d’espoir) du livre Exil et Souveraineté de Amnon Raz Krakotzkin, chez le même éditeur.

Naruna Kaplan de Macedo

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
Y
et tu veux que nous ne soyons pas hais par toutes les ordures que ce genre de description rend malade a vomir de haine ???de jalousie  devant cette  "communion" ....
Répondre