Analyse des relations Etats-Unis / Iran
Barack Obama, le président des Etats-Unis; a publié une vidéo la semaine dernière, offrant aux iraniens un message de paix et d'amour pour le nouvel an perse, le Nowruz. Le président israélien, Shimon Peres, a également offert ses meilleurs vœux en se référant au «noble peuple iranien."
Toutefois, l'initiative conjointe a été reçue froidement, à Téhéran. Le chef suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a déclaré que la vidéo d'Obama ne montre en rien un changement de l'attitude hostile des américains. Pas un mot, bien entendu, sur le message de Peres.
La vidéo fait bien évidemment partie d'une stratégie plus large Obama qui consiste à démontrer que son administration change petit à petit la politique américaine. Au moins dans la mesure où il est prêt à ouvrir des discussions avec d'autres régimes. La stratégie des Etats-Unis est assez simple: Obama tente de créer une nouvelle perception des États-Unis. L'opinion mondiale est toujours fixé sur l'ancien président américain, George W. Bush qui refusait de coopérer avec et d'écouter ses ennemis. Obama, d'une autre école, est d'avis que la perception en elle-même peut faire augmenter la méfiance des régimes dangereux à l'égard des Etats-Unis. Ainsi, les régimes seraient à leur tour, prêt à changer de stratégie en se calmant et en s'asseyant à la table des négociations. Ainsi, Obama offrant ses salutations du Nouvel An à l'Iran est donc partie intégrante d'une stratégie visant à changer le ton sur tous les aspects de la politique étrangère américaine.
Obtenir que Shimon Peres, en parallèle, lance également un message de félicitations est sans aucun doute destiné à démontrer aux Iraniens que les Israéliens ne s'opposeront pas à des initiatives américaines vers l'Iran. Les Israéliens sont probablement prêts à aller de pair avec le message de félicitations, car ils ne s'attendent pas à aller très loin. Ils veulent aussi montrer qu'ils ne sont pas responsables de l'échec des négociations… Ce qui est essentiel dans leurs relations avec l'administration Obama.
La réponse iranienne est également compréhensible. Les États-Unis ont fait une série de demandes spécifiques sur l'Iran, et travaillent à imposer des sanctions économiques sur l'Iran. Mais l'Iran, économiquement étouffé, en a assez des demandes spécifiques des États-Unis. Il pourrait être utile, par conséquent, d'examiner le point de vue iranien sur les Etats-Unis et le monde en général.
Du point de vue iranien, les États-Unis ont deux exigences fondamentales. La première est que l'Iran cesse son programme nucléaire militaire. La seconde, beaucoup plus large, est que l'Iran cesse de ses livrer à ce que les États-Unis appellent; le terrorisme. Cela va du soutien au Hezbollah à l'appui des factions chiites en Irak. En retour, les États-Unis sont prêts à demander une suspension des sanctions contre l'Iran.
Toutefois, pour Téhéran, la suspension des sanctions est un prix bien trop faible à recevoir pour les toutes ces grandes concessions stratégiques que la République Islamique doit valider. Et plusieurs raisons en sont la cause. Tout d'abord, les sanctions ne fonctionnent pas très bien. Elles ne fonctionnent que lorsque la plupart des gouvernements sont disposés à s'y conformer. Et ni les Russes ni les Chinois sont prêts à respecter systématiquement ces sanctions. Malgré tout, l'un des problème majeur de l'Iran est qu'il ne peut pas faire beaucoup plus… Son économie est en ruine (davantage à cause de problèmes internes que des sanctions internationales).
Ainsi, selon les iraniens, leur nation aurait beaucoup à faire et peu à recevoir.
La question nucléaire
Pendant ce temps, l'Iran se borne à travailler sur son dispositif nucléaire et prévoit de s'en servir de façon spectaculaire comme d'un "levier stratégique". Les Iraniens ont tirés les leçons de l'expérience Nord Coréenne que les Etats-Unis tiennent en estime. Le fait d'avoir un programme nucléaire est plus important pour Pyongyang que d'avoir des armes nucléaires. Quand les États-Unis craignaient que la Corée du Nord puisse avoir obtenu sa bombe nucléaire, cela a entraîné d'importantes concessions de la part de l'Oncle Sam, du Japon et de la Corée du Sud.
Par conséquent, la Corée du Nord a créé un niveau d'incertitude élevé. Aujourd'hui, personne ne sait vraiment ou ils en sont sur la route du nucléaire et Pyongyang utilise ces argument comme des baguettes d'un chef d'orchestre créant une symphonie. Les Iraniens ont suivi la même stratégie. Ils sont en constant changement; d'un ton conciliant puis d'une rhétorique agressive… Tout en gardant les États-Unis et Israël sous la pression psychologique perpétuelle. C'est de cette manière que les Iraniens ont pour l'instant évités une attaque sur leur territoire. La stratégie idéale de Téhéran étant de maintenir au maximum l'ambiguïté et l'anxiété dans l'Ouest tout en minimisant la nécessité d'une attaque immédiate. En fait, l'obtention d'une bombe rendrait le danger d'une attaque vraiment possible (entre le temps ou aurait lieu l'essais et la livraison du premier engin testé et validé).
Ainsi, du point de vue de Téhéran, abandonner le programme nucléaire sans d'importantes concessions occidentales serait irrationnel.
Les islamistes terroristes et l'Irak
Cela nous amène au Hezbollah et à l'Irak, qui représentent en fait deux questions différentes.
Pour ce faire, l'Iran a construit systématiquement son influence en fortifiant les factions rebelles irakiennes et en leurs permettant de bloquer les politiques irakiennes que l'Iran considère comme dangereuses.
Du point de vue iranien, la seule issue acceptable est de voir un Irak totalement neutre.
Il ya ensuite la question du soutien au Hezbollah, au Hamas et à d'autres groupes islamistes radicaux. Entre 1979 et 2001, l'Iran était le banquier de la contestation islamique à l'Ouest: les chiites sont ainsi devenus les représentants officiels de l'islam radical.
Quand Al-Qaïda a frappé, l'Iran (et les chiites), a perdu cette place d'honneur. Aujourd'hui, Al-Qaïda a disparu et l'Iran veut reprendre sa place. Elle ne peut le faire qu'en appuyant le Hezbollah, un groupe terroriste chiite qui remet directement en cause Israël, ainsi que le Hamas - un groupe radical sunnite - démontrant ainsi que l'Iran parle pour l'ensemble de l'islam. Une position de force dans un domaine qui compte beaucoup. Le soutien de l'Iran à ces groupes doit atteindre un objectif très important et sans risques. Pendant ce temps, les États-Unis demandent que l'Iran mette fin à cette aide. Une demande non accompagnée de sanction ou même de menace significative.
En outre, on pourrait également parler du fait que Téhéran désaprouve la stratégie d'Obama-Petraeus concernant l'Afghanistan. Cette stratégie implique la création d'un dialogue avec les talibans, un groupe dont l'Iran est historiquement hostile. La possibilité que les États-Unis pourraient installer un gouvernement Taliban en Afghanistan constitue une menace pour l'Iran… Au moins aussi grande que la menace irakienne des années 80.
C'est dans ce contexte qu'il faut interpréter le message d'Obama aux iraniens. Pour eux, Obama n'a pas abordé les questions de fond entre les deux pays. En fait, à l'exception de cette vidéo, de la position d'Obama sur l'Iran ne semble pas différente de la position de Bush. Les dirigeants iraniens ne voient pas pourquoi ils devraient répondre plus favorablement à l'administration Obama qu'ils ne l'ont fait avec celle de Bush. Téhéran veut être certain qu'Obama comprenne que la volonté seule de parler ne suffit pas.
Beaucoup d'experts, dans l'administration américaine, estiment que la faiblesse de l'économie iranienne pourrait façonner la prochaine élection présidentielle iranienne. Sans aucun doute, le message américain de bonne année à été calculé pour influencer autant que faire se peut l'élection iranienne. Washington a, depuis plusieurs décennies, essayé d'influencer la politique interne iranienne. Washington est d'ailleurs en recherche constante de nouveaux éléments réformistes. Les États-Unis espèrent qu'un nouveau leader, obnubilé par l'économie et les échanges stratégiques pourrait être élu.
En fait, les analystes américains ne cessent de vouloir répéter la même erreur. Une erreur qui consiste à croire qu'en aidant économiquement Téhéran, ce dernier cessera d'agir négativement. Mais cela ne s'est jamais produit. C'est ce qu'Einstein définissait comme "l'absurdité" (théorie de l'absurdité : "on jette une pierre et elle tombe au sol une première fois. On refait l'expérience deux fois. Trois fois. Quatre fois. Si on la jette la cinquième fois en pensant que la pierre va flotter dans l'air, c'est de la pure absurdité).
La reconstruction de l'image publique des Etats-Unis est un objectif raisonnable pour les 100 premiers jours de la présidence américaine. Mais bientôt ce sera l'été, et les ouvertures qu'Obama a créés seront analysés et l'on s'appercevra que les négociations sont plus difficiles que prévues. Il est aujourd'hui difficile de savoir comment Washington peut donner à Téhéran ce qu'il veut. Et pour cause, l'Iran veut devenir une super-puissance régionale. Obama peut-il donner l'Irak à Téhéran ? Et l'Afghanistan également ?
Obama a indiqué qu'il faudrait du temps pour que son message commence à générer le début une réponse positive iranienne. Et à moins que le message ne commence à prendre plus de substance, la réponse des mollahs ne sera pas modifié. Le problème n'est pas Bush ou Clinton ou Reagan, le problème est la réalité de l'Iran et les États-Unis. Ce n'est que si une troisième puissance, prend vivement part aux menaces, que l'Iran pourrait alors modifier un tant soit peu sa stratégie. Mais la Russie, au moins pour l'instant, il travaille très dur pour être ami avec l'Iran.