Fofana le Barbare: et en plus, il en a une petite!
Dans la surenchère
Cette semaine, la cour entend par le détail le calvaire d'Ilan Halimi et examine la personnalité de Fofana. Comment ce dernier a-t-il pu torturer à mort un garçon à peine plus jeune que lui ? Où sont les racines de cet anti-sémitisme obsessionnel et primaire qui l'anime ? Depuis son arrestation, Fofana est dans la surenchère. Il prend un plaisir sadique à assortir sa signature d'un «A mort Israël» au bas de chaque interrogatoire. Déclare quand on ne lui demande pourtant rien : «Je veux dire qu'à chaque fois qu'un juif meurt je suis content.» Confie à un magistrat, à propos d'une de ses collègues : «Moi, je vous aime bien, mais je préfère Mme Goetzmann parce que c'est une juive, et que je préfère avoir mes ennemis en face de moi et pas d'intermédiaire.» Celui qui toujours tient à se présenter comme «le chef» du «gang des barbares» insiste encore devant la cour : «Les juifs, je ne les aime pas.»
Entre les audiences, il consulte internet, lit les blogs qui le concernent, demande à son avocat s'il a une idée du nombre de lecteurs sur le Net et s'il est repris par les médias arabes. Comme s'il fallait en rajouter, Youssouf Fofana s'invente sa propre histoire, raconte aux jurés cette volonté qui l'animait, prendre «de l'argent aux juifs»«propre milice» et ainsi «libérer les Africains». Il adorerait qu'on finisse par le qualifier de kamikaze, qu'on le voie en type habité par la foi, dévoué corps et âme à «la cause». Il se rêve en martyr, écrit en marge d'un procès-verbal, le 25 septembre 2007, qu'il est «le symbolique trophée de guerre détenu par les sionistes», qu'à ce titre «les compagnies pétrolières au nom d'Allah voudront [le] récupérer». Au procès, il espère donc bientôt se «casser», «sortir de prison», compte sur d'imaginaires Frères musulmans pour le libérer.
Fofana, martyr islamiste, personne n'y croit. Crapule sans grande envergure, Youssouf Fofana conserve une haute opinion de lui-même alors que sa vie est une succession d'échecs. Il l'a confié aux experts psychiatres : «Vers 10 ans et jusqu'à 14 ans, je voulais devenir avocat et défendre les gens. A un moment, je voulais vendre mon imagination à des concepteurs de jeux vidéo.» Mais, dès l'âge de 10 ans, il commet des larcins, connaît la délinquance, l'échec scolaire, l'argent facile. Youssouf Fofana est, selon les experts, un type «normalement intelligent» et qui n'a «pas la dimension d'un idéologue».
Au collège, qu'il quittera à l'automne 1998, il se bat, est «absent», «agité», «désinvolte». Toute la famille est dupe de ses dérives. Fatouma le couve, le couvre. Elle a peur qu'il fasse des bêtises. Alors elle l'arrose, lui donne de l'argent quand il veut. Suivi par la PJJ (Protection judiciaire de la Jeunesse) dès 1995, Fofana joue au dur devant les éducateurs. Il tente de «déstabiliser l'autre», cherche à inverser les rôles, «donne des ordres». A la fin d'un entretien en 1998, il dit : «A quoi ça sert, une éducatrice ? Moi, je vous utilise.»
Youssouf Fofana se rend 63 fois à la mission locale pour l'emploi entre septembre 1999 et mars 2005. Un conseiller en orientation écrit à son compte: «Il est très matinal, mais il ne fait rien ?[...]. Il veut tout avoir tout de suite.» Il fait semblant de chercher du travail, alors qu'il vole des voitures, des scooters, braque des magasins ou des bars-tabac, cagoulé, armé de fusils à canon scié. Il est envoyé en prison. Découvre le mitard, pense au suicide. Entre en religion. Les experts psychiatres notent en 2006 la marque de ses cinq prières quotidiennes sur son front. Son frère aîné dit qu'«il n'était plus le même» depuis sa première incarcération. Lui se proclame «barbare, enfant des cités». C'est dans ces années-là qu'il acquiert cette assurance nécessaire pour ensuite asservir et manipuler une trentaine de jeunes du quartier : «J'étais le chef, oui, ils m'obéissaient tous.» Aujourd'hui, Youssouf Fofana croit faire des assises où il comparaît le lieu de sa consécration. Il oublie qu'il n'est plus rien. Pour personne. Même sa mère ne viendra pas le défendre. Elle a fourni un certificat médical à la cour.
JSS et Elsa Vigoureux