Discours de Harry S. Truman (04/04/1949)

Lors de la signature à Washington le 4 avril 1949 du traité de l'Atlantique Nord, le président américain Harry Truman prononce un discours sur l'importance de la future alliance et sur la nécessité de maintenir la paix dans le monde.
Les cinq pays européens membres du Pacte de Bruxelles prennent rapidement conscience qu'ils ne peuvent s'opposer seuls à une éventuelle attaque de l'URSS. Le blocus de Berlin qui prend fin en mai 1949 ayant bien montré que la forte solidarité occidentale peut éviter qu'une situation tendue ne soit le prélude d'un conflit militaire, les États-Unis poussent à la signature d'une alliance militaire avec leurs alliés européens. Même si le Sénat américain, soucieux de ses prérogatives constitutionnelles, n'accepte qu'une alliance classique, les Américains sont déterminés à prévenir une agression communiste en Europe et à la repousser.
La nécessité d'une alliance euro-américaine est vivement contestée par les communistes du monde entier. Les négociations atlantiques sont d'ailleurs marquées par les menaces et les intimidations à peine voilées que formule le Kremlin contre les puissances occidentales. Mais le climat de peur qui entoure la ratification des traités d'adhésion par les Parlements occidentaux ne fait qu'accélérer les opérations. Le traité d'Alliance atlantique entre en vigueur le 23 août 1949. Il ouvre la voie de la défense de l'Europe de l'Ouest dans un cadre transatlantique.
Le discours:
A cette occasion historique, je suis heureux de saluer les ministres des Affaires Étrangères des pays qui, avec les Etats-Unis, constituent la communauté des nations de l'Atlantique Nord.
Le but de cette réunion est de prendre la première mesure mettant en vigueur un accord international destiné à protéger la paix et la prospérité de cette communauté de nations.
Il est tout à fait approprié que des nations si profondément conscientes de leurs intérêts communs se joignent pour exprimer leur détermination de préserver leur situation pacifique actuelle, et de la protéger dans l'avenir.

Ce traité est un simple document. Les nations qui le signent conviennent de rester fidèles aux principes pacifiques des Nations Unies, d'entretenir entre elles des relations amicales et une coopération économique, de se consulter chaque fois que le territoire et l'indépendance de l'une quelconque d'entre elles sera menacé, et de venir à l'aide de l'une quelconque d'entre elles qui pourra être attaquée.
C'est un simple document, mais s'il avait existé en 1914 et en 1939, soutenu par les nations qui sont représentées ici aujourd'hui je crois qu'il aurait empêché les actes d'agression qui ont entraîné deux guerres mondiales.
Les nations représentées ici ont connu la tragédie de ces deux guerres. En résultat, nombre d'entre nous ont participé à la fondation des Nations Unies. Tous les membres des Nations Unies ont l'obligation solennelle de maintenir la paix et la sécurité internationales. Tous sont tenus de régler les différends internationaux par des moyens pacifiques, de s'abstenir de la menace ou de l'emploi de la force contre le territoire ou l'indépendance de tout pays, et de soutenir toutes les mesures que pourraient prendre les Nations Unies pour préserver la paix.
Cet engagement solennel - cette obligation qui nous lie - nous la réaffirmons ici aujourd'hui.
Nous nous engageons à nouveau à respecter cette obligation et proposons le Traité de l'Atlantique Nord comme l'un des moyens de nous en acquitter.
Par ce traité, nous nous engageons à mener nos affaires internationales conformément aux clauses de la Charte des Nations Unies. Nous nous engageons à exercer notre droit de légitime défense, individuelle et collective, contre toute attaque armée, conformément à l'article 51 de la Charte, et sous réserve de toutes mesures que pourrait prendre le Conseil de Sécurité pour maintenir et rétablir la paix et la sécurité internationales.
A l'intérieur des Nations Unies, notre pays et d'autres pays ont espéré établir une force internationale qui aurait été utilisée par les Nations Unies pour préserver la paix dans le monde entier. Cependant nos efforts pour établir cette force ont été bloqués par l'une des grandes puissances.
Ce manque d'accord unanime au Conseil de Sécurité ne signifie pas que nous devons abandonner nos tentatives pour assurer la paix.
Même sans cet accord, que nous espérons encore réaliser, nous ferons tout ce que nous pourrons. Et nos moindres efforts, quels qu'ils soient, ajouteront à la force de la paix, dans le monde.
Dans ce Traité, nous cherchons à délivrer la communauté de l'Atlantique Nord de l'agression et de l'emploi de la force. C'est la région qui a été au cœur des deux derniers conflits mondiaux. Protéger cette région contre la guerre sera une étape importante sur le chemin d'une paix permanente, dans le monde entier.
Il en est qui prétendent que ce traité est un acte d'agression de la part des nations qui entourent l'Atlantique Nord.

Le Traité exercera une influence positive, et non pas négative, sur la paix, et son influence ne se fera pas seulement sentir dans la partie du monde sur laquelle il porte expressément, mais dans le monde entier. Sa conclusion ne signifie pas que ses membres rétrécissent le champ de leurs intérêts. Agissant sur mes instructions, et en vertu de mon autorité, le secrétaire d'État a récemment fait comprendre tout à fait clairement que l'adhésion des Etats-Unis à ce Traité ne signifie pas une diminution de l'intérêt qu'ils portent à la sécurité et au bien-être d'autres régions, telles que le Proche-Orient. La mesure que nous adoptons aujourd'hui devrait servir à rassurer les peuples pacifiques du monde entier et ouvrir la voie à la stabilité mondiale que nous recherchons tous.
Deux fois, au cours des dernières années, des nations ont reçu le terrible choc de l'agression non provoquée. Nos peuples, envers qui nos gouvernements sont responsables, demandent que ces choses ne se reproduisent plus.
Nous sommes décidés à ce qu'elles ne se reproduisent plus.
En adoptant des mesures pour prévenir l'agression contre nos propres peuples, nous n'avons en vue aucune agression contre d'autres peuples. Faire croire le contraire est calomnier nos institutions et diffamer nos idéaux et nos aspirations.
Il existe, entre les nations représentées ici, des liens déjà fort anciens. Nous sommes liés par un héritage commun de démocratie, de liberté individuelle, et par le règne du Droit. Ce sont là des liens d'un mode de vie pacifique. Par ce Traité, nous ne faisons que les reconnaître officiellement.
Dotés de traditions communes, nous nous trouvons placés en face de problèmes communs. Nous sommes, dans une large mesure, des nations industrielles, et nous avons à résoudre le problème de nous rendre les maîtres des forces de la technique moderne, dans l'intérêt du peuple.
Pour résoudre heureusement ce problème, il nous faut un monde dans lequel nous puissions échanger les produits de notre travail, non seulement entre nous, mais avec d'autres pays. Nous sommes unis dans un vaste effort de coopération économique pour établir un monde de ce genre.
Nous sommes décidés à travailler ensemble pour donner une vie meilleure à nos peuples, sans sacrifier pour cela nos idéaux communs de justice et de dignité humaine.

Par ce Traité, nous espérons dresser un bouclier contre l'agression et la peur de l'agression, un rempart qui nous permettra de nous mettre réellement au travail, gouvernemental et social, le travail consistant à donner une vie plus pleine et plus heureuse à nos citoyens.
Nous nous attaquerons à ce travail de différentes façons, c'est certain. Il existe des types différents de gouvernements et de systèmes économiques, tout comme il existe des langages différents et des cultures différentes. Mais ces différences ne constituent pas un obstacle véritable à l'association volontaire des nations libres vouées à la cause commune de la paix.
Nous sommes convaincus que les nations peuvent réaliser une unité basée sur les grands principes de liberté humaine et de justice, tout en permettant en même temps, à d'autres égards, la diversité la plus grande dont soit capable l'esprit de l'homme.
Notre foi en une unité de ce genre est justifiée par l'expérience que nous avons faite, ici, aux Etats-Unis, en créant une nation unique composée de ressources diverses du continent et des peuples venus de bien des pays différents.
Cette méthode qui consiste à obtenir une étroite coopération de peuples et de cultures différents contraste directement avec la méthode des Etats policiers, qui s'efforcent d'atteindre à l'unité en imposant à tous les mêmes croyances et le même règne de la force.
Nous sommes convaincus que la méthode que nous employons pour réaliser l'unité internationale au moyen de l'association volontaire de pays différents voués à une cause commune, constitue une étape effective vers l'établissement de l'ordre dans notre monde troublé.
Pour nous, la guerre n'est pas inévitable. Nous ne croyons pas qu'il existe des vagues aveugles de l'histoire qui balayent les hommes dans un sens ou dans l'autre. Dans l'époque même où nous vivons, nous avons vu des hommes courageux surmonter des obstacles qui semblaient infranchissables, et des forces qui semblaient écrasantes. Les hommes dotés de courage et de clairvoyance peuvent toujours tracer le cours de leur destin. Ils peuvent choisir entre l'esclavage et la liberté, entre la guerre et la paix.
Ce qu'ils choisiront ne fait pour moi aucun doute. Le Traité que nous signons ici aujourd'hui est le signe évident de la voie qu'ils suivront.
S'il est quelque chose de certain aujourd'hui, s'il est quelque chose d'inévitable dans l'avenir, c'est la volonté de liberté et de paix des peuples du monde.