"Si tu diffères de moi, mon frère…" est-il possible en politique ?

Publié le par JSS

Il en est qui considèrent que la philosophie est tout juste une discipline universitaire pour des intellectuels coupés du monde; 

Il en est qui ne voient dans la poésie qu´une "matière" qu´il convenait de replacer habilement pour élever les notes de baccalauréat;

Ce sont le plus souvent les mêmes qui jugent avec tant d´empressement ces Autres qui ne leur ressemblent pas, les condamnent de façon si péremptoire, se nourrissant au surplus d´insultes comme pour sustenter leurs personnalités aux abois.

Je ne suis pas surprise de voir que ce sont encore les mêmes qui, en guise de réflexions constructives, crachent des slogans politiques prompts à susciter la haine et soulever les peuples les uns contre les autres, qui sans rien connaître de la complexité de la situation politique moyen-orientale, bien à l´abri et confortablement installés et dans leurs fauteuils d´Europe ou d´ailleurs distribuent des certificats de complaisance au Hamas et fustigent Israël ……….. devenu le bien commode bouc-émissaire des Nations au dessus de tout soupçon.

Et je me demande si l´ouverture des esprits à la tolérance et la fraternité n´est pas justement dans ce lien qui attache ensemble la philosophie, la poésie et la politique.

Il est possible que ce lien que je veux tisser soit un rêve impossible et que les mots et les images pour à la fois dénoncer l´inacceptable tout en gardant l´espoir d´une paix paraissent curieux et déplacés dans un contexte qui ne supporte aucune fantaisie disons " littéraire".

Oui, c´est fort probable ; Mais comme je ne renonce pas facilement et que pour moi, les mots et les intentions ne se perdent jamais, je relève avec vous ce premier défi qui consister à mêler les genres pour mieux les unir.

Si l´Univers s´offre à nous dans la dualité, à l´image du ciel et de la terre, du jour et de la nuit, du soleil et de la lune ou de l´âme et du corps……

Si l´esprit tente d´appréhender le monde par une pensée autour de l´immanence et de la transcendance, du visible et de l´invisible ou de l´humain et du divin……

Peut-être est-ce, parce que différents les uns des autres, nous sommes appelés à vivre ensemble, à joindre le ciel à la terre et le jour à la nuit, comme autant de parts d´ombre et de lumière qui nous habitent et traversent notre être.

Peut-être est-ce, parce que le travail qui nous échoit est celui de lier et de relier, celui de construire des ponts entre les hommes de bonne volonté et de chercher à comprendre encore et toujours bien au-delà du visible et des mots faciles ?

Y renoncer n´est-ce pas aussi renoncer à la part de soi qui nous dérange et que nous rejetons au plus profond de notre cave intérieure sans comprendre que cette cave est aussi un grenier qui garde nos trésors inconnus ?

Nos visages sont multiples comme les visages de ces Autres qui nous sont étrangers. Le comprendre pour soi, n´est-ce pas aussi l´entendre pour autrui et éviter ainsi de tomber dans la simplification politique d´un conflit qui consiste à angéliser un peuple pour mieux diaboliser celui qui lui fait face ?

Nos visages sont multiples et ne sauraient se réduire à des étiquettes qui nous enferment pour mieux nous étouffer.

J´aime Verlaine et j´aime Socrate; Je me penche sur les textes de Maimonide et j´étudie le Ramh`al'; J´admire la puissance de la logique Aristotélicienne mais la force magique de la science de l´Etre Un vit en moi comme un palmier qui me porte au ciel.

Je peux bien prier dans mon Temple et être cependant à l´écoute de ce qui se vit dans les autres traditions religieuses, pour peu qu´elles me reconnaissent le droit de vivre.

Cela ne m´empêche nullement de comprendre les enjeux auxquels je suis confrontée dans un monde dont les libertés les plus fondamentales sont menacées par le péril d´un Islam totalitaire.

Cela ne saurait m´empêcher de me servir des outils de réflexion que la religion ou la culture m´offre pour asseoir ma vision politique du monde. Bien au contraire !

Si comme l´a écrit Nidra Poller dans l´un de ses articles, Robert Redecker est devenu " un réfugié politique à l´intérieur de son propre pays ", n´est-ce pas parce qu´il symbolise la liberté de la pensée philosophique en dehors de tout dogme, celle qui ne craint pas de s´élever contre les intimidations islamistes ?

 

Si la poésie est un langage autre qui touche notre cœur, n´est-ce pas parce que les textes bien argumentés parlent en premier lieu à notre intelligence mais que l´un et l´autre nous sont indispensables, si nous voulons attacher le cœur et l´esprit ?

 

On m´a reprochée de mettre en ligne un poème de Pablo Neruda parce qu´il était communiste………comme si ses choix politiques délégitimaient l´universalité de ses textes;

 

On m´a reprochée de mettre en ligne le texte d´une jeune femme qui épanchait son cœur en imaginant le calvaire d´Ilan Halimi, comme s´il s´agissait là d´une exploitation sournoise du judaïsme d´Ilan alors que les mots de cette jeune femme nous permettaient de partager avec elle une éternité qui nous élève au delà de toutes les églises;

 

Je crois deviner dans ces reproches ce que je dénonçais précédemment des prisons mentales qui nous isolent les uns des autres ………..un peu comme si je ne pouvais pas lire un texte d´Ibn Arabî parce que je suis juive, m´ entretenir avec un bouddhiste parce qu´il n est pas de ma foi ou encore comprendre les impératifs de la laïcité parce que je suis religieuse!

 

Je revendique le droit de vivre dans l´émotion et de paraître fragile en même temps que de vivre dans la réflexion et de m´inscrire dans la force.

 

Je revendique le droit d´être juive pratiquante et de lutter contre les extrémismes d´où qu´ils surgissent dans l´horizon politique;

 

Je veux attacher ensemble l´esprit avec le cœur, la compassion avec le courage de la lucidité politique, l´argumentaire intellectuel et le symbolisme, le savoir académique et la connaissance ésotérique.

 

Je ne crois pas qu´il faille craindre de s´engager dans l´arène politique avec comme outils de travail, la méthode de questionnement philosophique ou la force de la poésie qui suggère et révèle, bien au delà des mots.

 

Et à ceux qui ne veulent pas se salir les mains dans le monde de la politique, je voudrais dire que l´urgence d´un monde qui part à la dérive exige impérativement notre engagement dans la Cité et que le Politique est noble objet de réflexion.

 

Le Bien public suppose une recherche ponctuée d´interrogations qui ne redoutent pas la remise en question de nos certitudes et de nos préjugés.

 

Le Bien public suppose de ne pas craindre de dénoncer l´ inacceptable quels que soient les insultes et les coups qui nous blesseront ; Que valent les blessures personnelles au vu des enjeux sociaux en question !

 

Le Bien public suppose de se battre contre le racisme et l´antisémitisme quelque soit le masque dont il se pare et sans craindre là encore les étiquettes politiques que certains colleront sur votre dos.

Le Bien public, c´est de marcher dans le sens contraire du vent et de nager à contre-courant quand le courage politique l´exige.

 

Il me semble que le Politique sera noble si nous l´enrichissons d´une réflexion posée et profonde et non si nous adhérons au politiquement correct par commodité du prêt à penser ambiant.

 

Il sera noble si le langage politique a le courage de la clarté et appellent les choses par leurs noms. Il sera noble quand l´islam radical sera reconnu comme une idéologie totalitaire et que ceux qui se prétendent les amis des droits de l´homme cesseront de hurler avec les loups ou de laisser les loups hurler sans réagir.

 

Oui, se consacrer au Politique est noble si en dépit de toutes les apparences, nous construisons des ponts entre les hommes qui œuvrent pour une humanité fraternelle.

 

Il faut dire et redire qu´on ne peut réduire l´Autre sans se réduire soi-même et qu´on ne peut le condamner sans s´enfermer dans une prison idéologique dont les barreaux invisibles retiennent notre âme.

 

Qu´ils sont nombreux les hommes publics qui ont vendu leurs âmes !

Combien d´hommes politiques et de journalistes sont prêts en toute authenticité à s´engager dans le travail personnel que nécessite toute prise de position publique?

 

On les a entendu multiplier les condamnations d´un manque de retenue de l´Etat hébreu, affirmer la disproportion de la réaction israélienne face à la pluie des bombes et des roquettes qui pourtant, huit années durant, ont arrosé la population civile du sud du pays.

Comme elle est suspecte cette promptitude aux déclarations publiques dès lors qu´Israël est au cœur de l´arène! Comme il est curieux ce silence durant huit années de terreur !

 

Se pourrait-il que la compassion à la souffrance des civils soit sélective?

Se pourrait-il que la moitié de leurs cœurs soit bouchée dès lors qu´Israël apparaît comme agressée et terrorisée ?

 

Combien parmi les directeurs d´édition se moquent de lyncher Israël avec des titres faciles et racoleurs dès lors que cela peut élever le quota de vente de leurs journaux ?

 

Combien de journalistes s´empressent de pondre des articles sans prendre ni le temps ni le soin élémentaire de peser les mots, sans même connaître en profondeur les sujets d´actualité qu´ils dissèquent en spécialistes comme si tout était permis devant un cadavre à la morgue ?

 

Ils s´empressent d´écrire sans comprendre qu´ils ajoutent à chaque fois une pierre supplémentaire à la momification de leurs glorioles personnelles; Ils se hâtent après une popularité qui ne sert que leurs ambitions et leurs carrières publiques; Moi, j´aime imaginer que le Ciel se rit de leurs manœuvres.

 

"Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m´enrichis " disait Saint Exupéry.

 

Lecteurs, pour nous enrichir les uns avec les autres, il n´est pas d´autre chemin que le travail sur soi et l´écoute de l´Autre. C´est la raison pour laquelle, la philosophie, la poésie, l´art ou la littérature sont des expressions qui ont leurs places dans le monde de la politique.

 

Il se pourrait bien en effet, que l´apprentissage du respect mutuel et de la fraternité  soient aussi dans ces " matières" qui ouvrent notre cœur à l´Altérité.

 

Rachel Franco

Publié dans Tribune Libre

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