Le Vatican cherche à déminer le terrain avant la visite papale
Lors d'une conférence de presse à Jérusalem, le nonce apostolique en Israël, Antonio Franco, a cherché lundi à déminer les sujets de polémique susceptibles de ternir la visite du souverain pontife. Il a expliqué qu'une commission mixte juifs-catholiques planchait sur la controverse liée à l'attitude du pape Pie XII durant la Seconde Guerre mondiale, face à la Shoah. Une question qui empoisonne les relations entre juifs et catholiques. "Nous améliorons la vision et la compréhension d'une période très difficile de l'histoire", a assuré Mgr. Franco. Et de prédire: "Ce ne sera certainement pas un sujet de discussion" durant la visite du pape.
Le rabbin David Rosen, une des voix les plus écoutées en Israël sur le dialogue interreligieux, a un avis différent: "Je ne serais pas surpris" que la question soit abordée, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse séparée. Décrivant Benoît XVI comme un ami des juifs, il a affirmé que les divergences de vues entre le pape et les juifs portaient plus sur la forme que sur le fond. Au sujet de Pie XII, il semble pourtant que le fossé entre les deux parties est important. Au musée de l'Holocauste de Yad Vashem, à Jérusalem, une légende sous une photo de ce pape explique qu'il n'a pas protesté lorsque les Nazis ont raflé les juifs à travers l'Europe pour les envoyer vers les camps de la mort.
De son côté, Benoît XVI a décrit Pie XII comme un "grand" homme d'Eglise, le Vatican affirmant qu'il avait mené une diplomatie discrète pour tenter d'aider les juifs. En septembre dernier, le pape avait loué son "courage" et son "dévouement paternel" pour essayer de sauver les juifs. Certains au sein de l'Eglise demandent la béatification de Pie XII, perspective qui suscite une forte opposition chez les juifs.
"Ce n'est pas l'affaire des juifs de dire à l'Eglise catholique qui sont ses saints", précise M. Rosen, qui dirige le département des affaires interreligieuses du Comité juif américain. Toutefois la béatification de Pie XII "serait vue comme une sorte de dissimulation de la période de la Shoah", prévient-il.
Deux sujets plus récents ont également créé des tensions: en janvier, le pape a levé l'excommunication de quatre évêques intégristes membres de la Fraternité Saint-Pie X, dont celle de Richard Williamson, un prélat niant l'existence des chambres à gaz et qui juste avant sa réintégration dans l'Eglise avait réitéré ses opinions négationnistes.
Ces déclarations négationnistes de Mgr Williamson, ont constitué "un incident fâcheux imprévisible", a fini par reconnaître Benoît XVI dans une lettre publiée en mars.
Par ailleurs, la décision papale, en 2007, d'assouplir les restrictions sur la messe en latin a également fait polémique en rétablissant une prière appelant à la conversion des juifs récitée durant la semaine pascale. Mgr. Franco a toutefois assuré lundi que ces deux sujets de friction étaient désormais écartés.
Israël et le Vatican ont établi des relations diplomatiques au début des années 1990, mais doivent encore régler certaines questions comme le statut des biens de l'Eglise en Terre sainte et les exonérations fiscales pour l'Eglise.
Mgr Franco et M. Rosen ont démenti lundi que la décision de Benoît XVI de ne pas visiter Yad Vashem était liée à la controverse sur Pie XII. Comme la plupart des dignitaires en visite en Israël, il déposera une gerbe au mémorial de Yad Vashem, où il doit rencontrer des survivants des camps de la mort.