Avigdor Lieberman à l'abordage de la vieille Europe
Le voir ou pas? Mardi prochain, Avigdor Lieberman, ministre israélien des Affaires étrangères, sera reçu à l'Elysée... mais a priori par Claude Guéant, le secrétaire général, quand il avait demandé à rencontrer Nicolas Sarkozy! Le président français "passera une tête" dans le bureau, peut-être, dit-on à Paris, mais prendra sa décision au dernier moment, en fonction du comportement et des déclarations de Lieberman... "On aura une idée de l'état d'esprit de Lieberman avant son arrivée, puisqu'il passera d'abord par l'Italie, dit-on à l'Elysée. On avisera à ce moment-là."
La prudence témoigne de la méfiance qu'inspire Lieberman, ce populiste devenu chef de la diplomatie israélienne dans la coalition de Benjamin Netanyahou. Chef d'un parti nationaliste, Lieberman prône des rectifications de frontières qui placeraient en dehors d'Israël des zones habitées par la minorité arabeles arabes (en fait, exactement ce que veulent les palestiniens... Mais comme c'est une proposition de Lieberman, cela est dénoncé par les capitales mondiales).
Compréhensible, reconnaît mezza voce un diplomate israélien: "Certains Européens n'apprécient guère le fait d'avoir versé des centaines de millions de dollars pour aider les Palestiniens à créer un Etat, puis de voir, du jour au lendemain, les dirigeants israéliens venir leur dire que tout cela ne relevait que d'un mirage moyen-oriental." Israël est donc aujourd'hui en voie d'isolement. Symboliquement, aucun ministre n'était présent, la semaine dernière, à la réception donnée par l'ambassade d'Israël pour le 61e anniversaire du pays. Plus concrètement, l'Union européenne continue de bloquer le "rehaussement" des relations politique avec Israël...

Mais le calme n'est pas la ligne naturelle de Lieberman. Il vient de qualifier de "slogans", dans une interview au Jerusalem Post, les positions européennes sur la solution de deux Etats. "Les Européens feraient bien de baisser le ton, explique un de ses proches, ou ils ne pourront avoir aucun rôle dans le processus de paix." Au-delà de l'arrogance, Israël veut aussi produire une argumentation géostratégique: convaincre les Occidentaux que le dossier palestinien n'est pas prioritaire, en comparaison de l'Iran, de sa menace nucléaire et de son soutien au Hamas et au Hezbollah. Pour faire passer ce message, Avigdor Lieberman espère jouer sur les divisions de ses interlocuteurs. "En principe, cela devrait bien se passer avec Silvio Berlusconi et Angela Merkel", explique un responsable israélien. En France, rien n'est aussi sûr. Nicolas Sarkozy est un ami d'Israël, et veut croire que Benjamin Netanyahou démontrera l'adage qui veut que "ce soient les faucons qui font la paix". Mais Paris veut aussi des preuves.