Sri-Lanka, la guerre dont les "humanistes" ne parlent pas
Près de 50 000 civils sont prisonniers de ce trou noir médiatique. De mémoire de journaliste, rarement théâtre d'opérations guerrières aura été à ce point fermé, opaque et occulté : une zone de non-droit absolu. Les Sri-Lankais restent sans visage et sans voix. Pour les Tigres tamouls, qui les retiennent en otage, ce sont des boucliers humains. Pour l'armée, qui pilonne aveuglément, ils représentent un dommage collatéral mineur, prix de la victoire finale.
Pour faire taire les appels à la trêve, Colombo a recours à un argument massue. "Ceux qui exhortent de loin à une pause humanitaire (...) ne vivront pas au Sri Lanka lorsque les kamikazes frapperont de nouveau", a proclamé le journal progouvernemental Daily News. De fait, les Tigres tamouls sont - à juste titre - considérés comme des terroristes par la plupart des pays occidentaux, dont aucun ne veut sembler défendre un mouvement adepte des attentats-suicides et du recrutement d'enfants soldats.
Cela explique que, durant de longues semaines, la communauté internationale ait détourné le regard, pendant que le régime sri-lankais - brutal et autocratique - tentait de terminer une "sale guerre" de trente-sept ans, qui a fait près de 70 000 morts. Bien qu'elle n'ait pas convaincu Colombo, il faut espérer que la visite au Sri Lanka du ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, et de son homologue britannique, David Miliband, marque la fin de l'indifférence de la communauté internationale.
Car si l'objectif des autorités sri-lankaises est légitime, les moyens employés ne le sont pas. En continuant, en dépit de leurs promesses, à tirer à l'arme lourde sur des zones densément peuplées de civils, les généraux sri-lankais violent, tout autant que les Tigres tamouls, le droit international. L'ONU se doit de créer une commission d'enquête internationale. La France pourrait montrer l'exemple en l'exigeant au Conseil de sécurité.
Merci à William de Marseille pour la suggestion de cet article du Monde