EuroNaplouse, un projet sponsorisé par la mairie de Lille

Article de La voix du Nord:
De l'avenir de Naplouse, il sera question aujourd'hui et demain à Lille. Des collectivités territoriales européennes s'y réunissent pour mettre sur les rails le réseau EuroNaplouse. Forcément une bouffée d'oxygène pour une ville de Cisjordanie étouffée par le blocus israélien.
L'union ferait-elle aussi la force en matière de solidarités internationales ? À Lille, on a compris l'intérêt qu'il y avait à mutualiser les moyens pour venir en aide à la population de Naplouse et, dès l'été dernier, on a imaginé la création d'un réseau réunissant toutes les places fortes européennes jumelées avec ce qui a longtemps été la capitale économique de la Palestine (la ville de Lille y a noué ses premiers contacts il y a un peu plus de dix ans).

Aujourd'hui et demain, on entre dans le vif du sujet : les villes de Naples, Barcelone, Dundee et Stanvanger, ainsi que la région Toscane, seront à pied d'oeuvre pour définir, depuis la capitale des Flandres, les actions à mener en priorité sur le terrain palestinien. Marie-Pierre Bresson, adjointe déléguée aux solidarités internationales, et Martine Filleul, chargée des relations internationales, qui ont conduit une délégation lilloise la semaine dernière à Naplouse, ont eu l'occasion de constater combien ce soutien européen est quasi vital pour les Naplousis.

Naplouse est une ville à terre mais, sous la déprime engendrée par près de neuf ans de blocus imposé par Israël qui a déployé ses soldats autour de la ville, on sent aussi bouillonner une véritable énergie. Elle peut prendre la pire forme. « La situation politique que nous vivons a des conséquences terribles pour les jeunes. Beaucoup sont désoeuvrés, totalement déboussolés. Ils se réfugient dans la religion, dans les mouvements extrémistes » s'inquiète Najat Abou Baker, députée de Naplouse et démocrate acharnée. « Le blocus affecte nos vies. La jeune génération est née avec la première puis la deuxième Intifada. Les tanks, les bulldozers, les incursions israéliennes la nuit, tout cela affecte psychologiquement les plus jeunes » confie, de son côté, le maire (Hamas) de Naplouse. Adli Yaish a passé deux ans dans les prisons israéliennes, avant d'être libéré faute de preuves de son implication dans des agissements terroristes. Il fait figure de modéré dans le complexe échiquier politique intra-palestinien. Cet homme croit aussi dans les forces vitales de sa population. « mais, pour cela, nous avons besoin de paix ».
Si, dans l'ancienne capitale de la Cisjordanie, de nombreux jeunes ont choisi la voie des armes, la majorité de cette génération espère autre chose. Shafik Jamous, 21 ans, est de ceux-là. Étudiant à l'université An Najahr de Naplouse, il a monté avec trois copains de fac une « junior-entreprise » dont il espère maintenant faire une vraie PME informatique « avec la première hotline de maintenance en Palestine ».
Pour y arriver, il se bat comme un diable. « C'est vrai que les circonstances économiques ne sont pas bonnes, que ça serait mieux de faire ça à Ramallah mais on est d'ici et on veut vivre ici » explique le jeune homme dans un anglais parfait.
Il est venu déposer son projet au centre social de la vieille ville où Ayman Al Shaka'a, le directeur, travaille à un projet d'incubateur d'entreprises soutenu par la ville de Lille. « Le développement de Naplouse passe par l'économie » estime Marie-Pierre Bresson, adjointe (Verte) à la Solidarité

À part ça ? L'hôtel Al Jasmeen, déserté par les touristes qui ne viennent plus ici, mais qui fait café l'après-midi. À l'abri des regards, on croise même des couples d'amoureux, jeunes filles voilées et jeunes hommes occidentalisés qui se tiennent pudiquement par la main. Et quoi d'autre ? Les petites échoppes traditionnelles du vieux quartier qui offrent thés, beignets et pâtisseries mais les jeunes filles ne peuvent s'y aventurer le soir.
Dans quelques semaines, un cinéma devrait voir le jour dans le centre commercial qui vient d'ouvrir mais qui peine à trouver des commerçants pour s'installer. Le niveau de vie de la population ne s'y prête guère. Les pauvres sont fauchés et les riches ont plus de facilité pour quitter la ville. Ils font plutôt leurs courses à Ramallah, devenue la capitale politique de la Cisjordanie, ou à Ramallah.
« La vie est très fermée ici. On s'occupe de sa survie économique » déplore Fahmi Masri qui fréquente les cours du Centre culturel français « la culture n'est pas prioritaire. Si les anciens cinémas ont fermé au moment de la première Intifada, c'est aussi parce que les gens n'y allaient plus ».
Au-delà des coopérations médicales, universitaires, économiques que la ville de Lille essaye de bâtir avec Naplouse, elle veut aussi ouvrir les fenêtres de la ville encerclée sur le monde. Convaincue qu'elle dispose d'un potentiel (50 % de moins de 20 ans) qui peut certes la mener au pire mais qu'il n'est pas toujours certain. On appelle ça l'espoir. Vu de Naplouse, cela n'a rien de dérisoire.