Document: La population palestinienne otage du Hamas

Publié le par JSS

Au lendemain de sa décision unilatérale de ne pas reconduire la trêve avec Israël, le Hamas diffusait, à travers ses médias, mais aussi à travers des tracts distribués dans la rue, un commentaire se raillant d'Israël et de son incapacité à faire face aux tirs incessant de roquettes palestiniennes: "L'ennemi est dans un tel état de confusion qu'il ne sait que faire (…) leur fragile cabinet s'est réuni dans le cadre d'une tentative désespérée de trouver une réponse aux roquettes, alors que des milliers de colons se réfugient dans les abris. Avec la volonté de Dieu, ces abris seront leurs tombes"(1).
Ainsi, la proposition de reconduction de la trêve par Israël à été considérée comme un aveu de faiblesse et ce sont plusieurs centaines de milliers de civils israéliens qui vivent sous la terreur des roquettes Qassam et Grad (2) du Hamas. Mais l'Etat Major et le gouvernement israélien ont bien compris une chose: l'Opération Plomb Durci devra engendrer le moins possible de pertes collatérales pour engendrer une réussite totale des objectifs militaires et diplomatiques. Cette consigne sera strictement appliquée par les soldats israéliens, malgré le fait que le Hamas se serve des civils palestiniens comme d'un bouclier humain.L'une des branches du Hamas, les Brigades Ezzedim Al Qassam, a récemment publié un article sur la version anglaise de son site internet (3) décrivant la stratégie du Hamas concernant les tirs de roquettes et la possible réponse israélienne.
L'article explique comment la "défense israélienne, lorsqu'elle pénétrera dans Gaza, servira la cause du Hamas. En réponse aux israéliens, les Brigades Ezzedim Al Qassam recevront le soutien de toute la population palestinienne. Le Hamas à prit tout le temps nécessaire à construire les scénarios possibles auxquels l'armée israélienne fera appel." Et le plus important, l'article met clairement en évidence, que "la réponse de l'armée israélienne aux tirs incessants de roquettes fera réagir la communauté internationale. Cette dernière condamnera Israël et donnera de la légitimé au Hamas" (en tant que "force régionale importante"). L'article explique aussi que "le Hamas ne reconnaîtra alors plus une minute de plus la légitimité du président du Fatah, Abou Mazen, lorsque se présidence arrivera à échéance le 9 janvier prochain."
Lors de son apparition dans l'émission "C Dans L'Air" (4) diffusée le lundi 5 janvier 2009; Pierre Servent(5), spécialiste international des conflits, le dit très clairement: " La partie de Tsahal est militaire, mais elle a aussi intégrée la dimension politique, sans doute avec la volonté de casser la colonne vertébrale du Hamas. Pour cela, (…) Tsahal fait preuve de maîtrise et de retenue même si on est tous là, à déplorer les victimes civiles. Ce qui montre bien qu'ils (les israéliens) essayent de détruire le Hamas et dans le même temps, de ne pas se mettre à dos, une population qui, peut-être, en à ras-le bol du Hamas et qui pratique une stratégie anti-cité. C'est-à-dire, qui prend en otage sa propre population, qui se trouve ensuite frappée par Tsahal et qui, lui-même frappe non pas des objectifs militaire israéliens, pourtant à porté de tir de Gaza; mais plutôt des villes, des cités israéliennes." Et Christophe Barbier (6) de reprendre: " Cela a un nom. Frapper des victimes civiles en face et offrir sa population en victime, en kamikaze, cela s'appelle une stratégie terroriste".
Même son de cloche du côté des ONG qui surveillent la riposte israélienne de près. Ainsi, Palestinian Media Watch (7) diffuse une vidéo d’un discours de Fathi Hamad, membre important du Hamas, dans laquelle il clame, avoir constitué un bouclier de femmes, d’enfants et de vieillards pour protéger les jihadistes du Hamas. "Pour le peuple palestinien la mort est devenue une industrie dans laquelle les femmes et les enfants excellent. Par conséquent, (les palestiniens) ont créés un bouclier humain composé de femmes et d'enfants, de personnes âgées et de jihadistes; comme s'ils disaient à l'ennemi sioniste "nous désirons la mort tout autant que vous aimez la vie".
Le Hamas n’en est pas à son coup d’essai. Pour lui, les civils palestiniens sont une enveloppe qui protège les activités militaires et terroristes. Pendant l'opération "Hivers Chaud" déjà, la télévision Al-Aqsa appelait les Gazahouis à former une chaîne humaine autour et sur des bâtiments que Tsahal menaçait de détruire. Suite à quoi, Ismaïl Haniyeh en personne, se vanta de pouvoir envoyer des centaines et des milliers de Palestiniens sur le toit des maisons et caches appartenant à l'organisation terroriste. Déjà en place à cette époque, le chef d’Etat-major israélien, Gaby Ashkenazi, avait alors déclaré (3 mars 2008): "Tsahal a envoyé des avertissements (messages écrits ou radiophoniques) dans la bande de Gaza avant le début de l’opération", prévenant la population civile de se tenir éloignée des sites de lance-roquettes et perdant ainsi un précieux effet de surprise. Dans sa Note d'Analyse concernant l'opération Plomb Durci, le 4 janvier 2009, l'ESISC écrit: "les bombardements sont précédés par le largage de milliers de tracts, les habitants sont prévenus par téléphone lorsque des immeubles utilisés pour cacher des armes abritent également des civils. L'immeuble n'est frappé qu'après l'évacuation." (8)

Aujourd'hui, personne ne réfute le fait que le Hamas se sert de sa population comme de bouclier humain, de chaire à canon. Dans le même temps, l'Etat d'Israël fait très attention à éviter les pertes civiles humaines. Malgré tout, il est quasiment impossible, lors d'une opération militaire d'une pareille envergure, que les civils ne soient pas touchés. D'autant plus quand ils sont mis en avant par les miliciens.
Par ailleurs, le Droit International stipule que si un lieu est une cible militaire légitime, il ne cesse pas de l’être parce que des civils se trouvent à proximité. Dans l’article 28 de la IVème Convention de Genève (9), il est dit : « La présence de personnes protégées [civils, personnels humanitaires…] ne doit pas être utilisée pour immuniser certains objectifs ou zones d’opérations militaires. » Qui plus est, le fait d’utiliser des civils comme bouclier humain, ne serait-ce qu’en se plaçant au cœur de la population civile pour tirer des engins explosifs, constitue une traîtrise en Droit international. Ceux qui choisissent de procéder ainsi doivent porter la responsabilité des dommages causés aux civils que leur décision engendre.
La réponse du berger à la bergère, à travers l'opération Plomb Durci, est donc très simple. Israël se sert de son outil militaire pour contraindre le Hamas à déposer les armes sans pour autant viser volontairement des civils. Dans un article du Wall Street Journal, Alan Dershowitz résume parfaitement la situation dans laquelle Israël a été mise par le Hezbollah (10): "Selon les lois de la guerre, un nombre indéterminé de combattants peut être éliminé pour sauver ne fut-ce qu'un seul civil". De son côté, le Hamas se sert délibérément de civils palestiniens pour mettre en avant sa stratégie de communication envers les médias du monde entier. De cette manière, le Hamas espère pouvoir crier au massacre et contraindre Israël à cesser son opération.
Ce type de stratégie est également mise en avant pour unifier un peuple autour de son leader, bien que ce dernier soit largement critiqué au sein même de sa population. Si cette stratégie fonctionnait parfaitement, Israël serait contraint d'arrêter son opération dans la bande de Gaza avant même d'avoir neutralisé toutes les forces terroristes (et par là-même d'avoir atteint ses objectifs) et le Hamas pourrait ainsi reprendre ses activités sans craindre de nouvelles ripostes israéliennes. Dans ce cas, le Hamas pourrait célébrer une réelle victoire sur Israël. Une image totalement différente de ce qu'elle présentera quand elle annoncera victoire (les terroristes n'avouent jamais leurs défaites (11)), après le départ d'Israël de Gaza; si l'Etat Hébreu arrive à ses fins…

  1. Khaled Abu Toameh, "Hamas mocks Israel non-response to Kassams", Jerusalem Post, 25 décembre 2008.
  2. Les roquettes Grad ont une portée de 40km. Elles sont construites par l'Iran et la Chine.
  3. http://www.alqassam.ps/english/
  4. C Dans l'Air, émission présentée par Yves Calvi disponible sur internet: http://www.france5.fr/c-dans-l-air/index-fr.php?page=resume&id_rubrique=1058&date=2009-01-05
  5. Pierre Servent: Expert en stratégie militaire et spécialiste des questions de défense. Lieutenant-colonel de réserve de l’armée de terre française, Pierre Servent est spécialiste des conflits et de l’armée et intervient dans les médias audiovisuels français et étrangers. Il a été journaliste "accrédité Défense" pour le quotidien La Croix pendant la guerre du Liban puis pour le journal Le Monde au début de la guerre du Golfe. Il a également été porte-parole du ministère français de la Défense de 1995 à 1997.
  6. Rédacteur en chef du magasine l'Express
  7. ESISC: European Strategic Intelligence And Security Center. Rapport intitulé "Gaza, l'inévitable confrontation". Rédigé par Dimitri Dombret.
  8. La définition généralement admise d’une « cible militaire » est stipulée dans l’article 52 (2) du Protocole additionnel I des Conventions de Genève (sur les lois de la guerre) : « Les cibles militaires sont limitées aux objectifs qui, par leur nature, positionnement, but ou utilisation sont une contribution effective à l’action militaire et dont la destruction partielle ou totale, la capture ou la neutralisation, offrent un avantage militaire certain.» La notion « d’avantage militaire » en termes de droit international ne concerne pas une bataille particulière, mais l’opération militaire enclenchée dans son ensemble. Pour juger de la légitimité d’une réponse à un acte d’agression, il ne faut pas juger une réponse donnée, mais « l’objectif global qui est de faire cesser l’agression ».
  9. Alan Dershowitz, "Israel's policy is perfectly proportionate", The Wall Street Journal, January2, 2009. Alan Dershowitz est professeur à l'Université d'Harvard.
  10. George Malbrunot: "George Habache, un révolutionnaire ne meurt jamais", éd. Fayard. Quand Habache parle de révolution, le monde occidental comprend terrorisme.

Publié dans Monde Arabe - Liban

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