Les enjeux des municipales israéliennes...
On en parle peu et pourtant ! Mardi se tiendront dans tout Israël des élections municipales. S'il paraît anodin d'en parler pour d'autres pays, en Israël, tout est sur dimensionné. Et pour cause, la mairie de Jérusalem est en jeu et personne côté juif, ne souhaite perdre la mainmise sur la ville... Mais ce n'est pas tout ! Cette année et pour la première fois, des forces politiques francophones ont fait leur apparition en Israël. Avec plus d'un million de Francophone -sur 7M d'hab-, les émigrés français entendent bien faire entendre leurs voix ! Tour d'horizon...
Les élections municipales auront pour principal champ de bataille Jérusalem, toujours au coeur de vives tensions politiques et religieuses. De toutes les villes du pays, Jérusalem se targue d'être la plus complexe à diriger, en raison de sa population particulièrement diversifiée. Un problème que ne connaît ni Tel Aviv, plus préoccupée par son économie, Haïfa, où juifs et musulmans vivent en bonne intelligence, et Beersheva, oubliée dans le désert.
"Unifier Jérusalem", "Jérusalem indivisible", "Jérusalem dans son intégrité", "Jérusalem, âme du peuple juif", ne sont que quelques-uns des slogans des candidats au scrutin dans la Ville sainte. Un programme en forme d'assurances à l'intention de l'électorat qui, paradoxalement, n'a jamais été aussi divisé. Juifs laïcs ou religieux ultra-orthodoxes, arabes musulmans et chrétiens : la ville ressemble à un puzzle complexe dont les pièces ont les plus grandes difficultés à s'ajuster les unes aux autres.
Une tâche que les différents candidats se sont engagés à accomplir s'ils sont élus, en dépit du boycottage annoncé de la population arabe qui constitue près d'un tiers des quelque 700.000 habitants. Le maire sortant, l'orthodoxe Uri Lupolianski, ne se représente pas après un mandat de cinq ans et le chef de l'opposition municipale, Nir Barkat, représentant la partie laïque de la population, s'est lancé dans la course à sa succession.
"Les jeunes quittent la ville qui devient de plus en plus religieuse ... Jérusalem mérite un meilleur sort que celui qui lui a été réservé par Lupolianski", affirme cet homme d'affaires de 49 ans qui arrive en tête des sondages. Barkat est avant tout un candidat centriste... Et bien qu'il ne soit pas soutenu par Kadima, il reste en tête dans les sondages.
Son principal adversaire, Meïr Poroush, un juif orthodoxe, assure de son coté: "Je serai le maire de toute les secteurs de la population sans favoriser personne". Il ajoute cependant "vouloir continuer à insuffler un souffle juif sur la ville. Notre religion et nos religieux doivent être l'âme de Jérusalem".
Candidat complètement sur la touche, le fameux Arkady Gaydamak, n'a quasiment aucune chance d'être élu. Il à beau être le candidat qui dépense le plus (ses affiches noirs et jaunes sont partout dans la ville), il fait des promesses qui ne plaisent guère à l'électorat juif... Comme par exemple "donner plus de place aux arabes israéliens, plus d'hopitaux, de crèches, de services publiques."
L'un des principaux enjeux de la campagne est la question des quartiers arabes de la ville, dont l'avenir est lié également aux négociations israélo-palestiniennes. Les Palestiniens veulent faire de la partie orientale de Jérusalem la capitale de leur futur Etat, idée complètement rejetée par l'ensemble des candidats.
Nir Barkat, ancien membre du Kadima du Premier ministre démissionnaire Ehud Olmert, affirme avoir quitté le parti "lorsque des gens de Kadima ont évoqué la possibilité de renoncer à certains quartiers de la capitale qui doit rester unifiée". Poroush prévient également qu'"aucune concession n'est envisageable sur Jérusalem".
Par ailleurs, cette année, les Francophones investissent en masse les listes municipales. Que ce soit à Netanya, Raanana, Tel-Aviv ou Ashdod, ils espèrent faire entendre leur voix. Même si leurs listes sont loin de faire trembler les grands courants, la présence francophone constitue une nouvelle donne électorale.
Ne pas être le "Français de service" : telle était l'inquiétude de Laurent Darmon avant de s'engager dans les élections municipales. Le directeur du magazine local "Ashdod aujourd'hui" s'est fait approcher par les grandes formations de sa ville avant de choisir la liste "Yosma" (initiative) d'Avi Halévy, vierge de toute élection, la seule à lui garantir une place de choix : la seconde position.
Réaliste, le vice-numéro 1 de Yosma a bien conscience que les Francophones, à eux-seuls, ne peuvent lui garantir la victoire. Pour obtenir deux sièges, il faut recueillir environ 4500 voix. Ashdod, cinquième plus grande ville d'Israël compte 25000 Francophones.
Un chiffre qui se réduit comme peau de chagrin lorsqu'il s'agit de comptabiliser les votants. Seuls 5,000 d'entre eux peuvent se rendre aux urnes. Autre facteur à prendre en compte : l'abstention. Il y a cinq ans, le taux de participation avait timidement dépassé la barre des 50% (77 796 sur 145 286 électeurs). Il sera donc difficile pour la liste Yosma d'atteindre son objectif de deux sièges en comptant uniquement sur les Francophones d'Ashdod. Dans cette configuration, le projet d'une liste 100% francophones n'était pas viable et la communauté a joué l'éparpillement.
Deux autres candidates se sont lancées dans la course. Dont Laurence Kadoh, numéro 3 de la liste "Ashdod alagal" (Ashdod sur la vague). Médecin à la tête d'un cabinet renommé, elle s'était déjà présentée, il y a cinq ans, sans parvenir à se hisser au conseil municipal.
A Netanya, c'est encore autre chose. La ville surnommée "l'enclave française", à de bonnes chances de voir élire quelques francophones au conseil municipal.
Un répondeur municipal, des panneaux directionnels et des formulaires administratifs écrits dans la langue de Molière. La liste "100% francophone" de Netanya, menée par Sivan Slama, ambitionne de révolutionner les pratiques linguistiques de la municipalité.
L'électorat de "A nous Netanya" est clairement identifié. Contrairement à d'autres listes comprenant des Francophones, l'équipe de Sivan Slama ne prétend pas viser l'électeur israélien. Aucun tract n'a d'ailleurs été traduit en hébreu. Le QG de campagne est lui-aussi connu de tous : la place de l'Indépendance, la "petite France" de Netanya. Là, le français domine totalement l'hébreu. Les jeunes serveuses israéliennes se doivent même de connaitre les basiques de la langue de Molière. C'est ici que la liste francophone concentre toutes ses activités chaque vendredi matin : distribution de tracts, poignés de main.
L'objectif principal de cette liste inédite consiste à réparer une "aberration". Les Français représentent 10% de la population mais ne compte aucun fonctionnaire à la marie ni dans les autres administrations de la ville. Une situation que Miriam Fierberg-Ikar, maire de Netanya depuis 10 ans, promet de corriger à chaque échéance électorale. Il est vrai que tous les cinq ans les "Frenchis" sont très sollicités.
La maire, elle-même, apparait sur ses tracts aux côtés des deux candidats francophones de sa liste. Comme un appel du pied aux membres de la communauté. Seul petit oubli, leurs rangs ne sont pas indiqués sur le prospectus, soit 7e et 13e . Ils n'ont donc aucune chance d'être élus.
(Photo : Lupolianski et Delanoe, Nir Barkat, Meir Porush, Arkady Gaydamak, la place de l'indépendance de Netanya=