Procès des barbares: plaidories des parties civiles et peines requises
Ce lundi, il est monté à l'audience. Youssouf Fofana a écouté les plaidoiries des parties civiles. La salle était bien pleine, lorsque les avocats de la famille Halimi ont plaidé. La mère d'Ilan, ses deux sœurs, son beau-frère étaient là. Manquait seulement son père. Maître Caroline Toby a demandé aux jurés de sanctionner les accusés à la hauteur de la gravité des faits commis. Elle a aussi fait le rapprochement entre le processus nazi et la manière dont le « gang des barbares » a traité la victime : Ilan Halimi a été dépouillé de ses effets personnels, il a été torturé, il a été tondu, il a été brûlé vif, Ilan Halimi a été tué. L'avocate a dit aux jurés qu'ils avaient une question à se poser : Seraient-ils désormais prêts à croiser une de ces personnes, l'un de ces accusés, dans la rue ?
L'avocat Francis Szpiner, toujours pour la famille Halimi, a plaidé plus d'une heure. Pour que l'affaire Halimi ne se reproduise plus. Il en appelé à la République. A confié avoir mal vécu la décision de Ruth Halimi d'enterrer son fils en Israël, parce que la commune de Bondy ne pouvait conserver le corps. Il pensait que la République pourrait, se devait de protéger Ilan Halimi, sa sépulture. Il a déploré que deux accusés seulement soient poursuivis pour antisémitisme. Me Szpiner a aussi beaucoup dit que si Fofana était effectivement le grand organisateur dans cette affaire, tous les accusés ont été acteurs à leur façon de ce crime. Youssouf Fofana s'est permis plusieurs fois pendant la séquestration de partir à l'étranger, ce qui signifiait bien qu'il pouvait compter sur d'autres.
Sur quelqu'un qui dirigerait les troupes : Samir A.A, le deuxième chef, selon l'avocat. L'accusé s'est énervé quand Francis Szpiner l'a ainsi présenté : « Je ne vous permets pas de dire ça, ça suffit maintenant ! Arrêtez de mettre des disquettes... ! »
Me Szpiner a dit que le 17 janvier 2006, la mort était entrée dans le magasin de téléphones mobiles où travaillait Ilan Halimi. La mort, c'est Yalda, cette jeune fille qui a accepté de servir d'appât pour enlever le jeune homme. L'avocat l'a accablée, assurant ne pas croire à ces viols qu'elle évoque, et qui la placent en victime. Il a insisté, Yalda n'est « pas naïve du tout », elle sait bien ce qu'elle fait, tout ce qu'elle a fait.
Et puis il y a cet homme auquel l'avocat a dit en vouloir particulièrement, parce que c'est un adulte, parce que parler vaut toujours mieux que se taire. C'est Alcino R., le père de Jérôme, qui a su ce qui se passait, qui n'a rien fait. A son sujet, Francis Szpiner a dit à la cour qu'en le condamnant elle montrerait que la peur doit changer de camp. Parce qu'il n'est pas question, dans une République, de craindre les délinquants.
Maître Francis Szpiner a aussi évoque l'affaire de la jeune Sohane immolée à Vitry. Et dont il a défendu la famille. Il a raconté que lors d'une reconstitution des faits, les habitants de la cité avaient exprimé leur soutien aux accusés. Comme pour cette jeune femme, brûlée vive, l'avocat a demandé à la cour qu'elle rende une décision exemplaire. Qu'elle se souvienne qu'à Bagneux, ce mois de juin aux élections européennes, la liste de Dieudonné a emporté 231 voix, soit 3% des votes. Ce qui montre le danger, la popularité d'un type comme Fofana.
L'avocat s'est enfin tourné vers le principal accusé, pour lui dire que contrairement à ce qui le réjouit, les juifs n'ont pas peur lorsqu'ils se promènent dans la rue : « Les juifs ont été immunisés pendant 2000 ans, ce n'est pas vous qui allez aujourd'hui faire peur à toute une communauté ». Me Szpiner a regardé Fofana droit dans les yeux pour lui dire aussi qu'il regrettait vraiment que l'audience n'ait pas été publique. Tout le monde aurait ainsi pu constater quelle vision totalement erronée de l'Islam anime Youssouf Fofana.
L'avocat a aussi indiqué à la cour que la famille d'Ilan Halimi ne serait pas présente le jour du délibéré, le 11 juillet. Parce que c'est un samedi, jour de Shabbat.
Le matin, Maître Eric Morain avait lui plaidé pour son client, Zouhair W., victime en octobre 2005 de Youssouf Fofana accompagné de Franco L. et Sabrina F. Il a soulevé ce qu'il a nommé « le paradoxe Zouhair W. », cible de Youssouf Fofana. Lui n'était pas juif, mais musulman et africain.
P.S : Ce procès se tient à huis-clos. Aussi ce blog est-il écrit à partir d'informations recueillies, entre autres sources, auprès de personnes qui assistent à l'audience, et dont, bien entendu, nous taisons les noms.
La peine maximale, la réclusion à perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans, a été requise mardi contre Youssouf Fofana, jugé à Paris avec son "gang des barbares" pour l'assassinat à caractère antisémite d'un jeune juif en 2006, a indiqué le parquet général de Paris. A ce procès qui se déroule à huis clos depuis deux mois, Youssouf Fofana, 28 ans, est le seul des 27 accusés à répondre de l'assassinat d'Ilan Halimi, enlevé, séquestré puis torturé durant trois semaines à Bagneux, une banlieue du sud de la capitale, un crime qu'il a reconnu au cours du procès.
L'avocat général Philippe Bilger a également réclamé 20 ans de réclusion criminelle à l'encontre de Samir Aït Abdelmalek, 30 ans, et de Jean-Christophe Soumbou, 23 ans, considérés comme les associés les plus proches dans la mise en oeuvre du rapt.
Provocateur, immature, cherchant constamment à blesser les proches d'Ilan Halimi, Youssouf Fofana n'a cessé d'invoquer, depuis deux mois, «les souffrances de la Palestine, de l'Afrique» ou l'islam pour se justifier. Devant la cour, l'accusé a volontiers endossé le rôle principal dans l'entreprise criminelle. Il a cependant obstinément refusé d'entrer dans le détail de ses actes. «Au fil de l'audience, Fofana est apparu comme un grand narcissique, surjouant l'antisémite pour faire parler de lui et absolument incapable de supporter la moindre mise en échec», observe Me Xavier Filet, le conseil de la fiancée d'Ilan. Le 11 juin, l'ancien caïd de la cité du Prunier, à Bagneux, a finalement été expulsé pour la journée après avoir jeté ses deux chaussures en direction du banc des parties civiles. La veille, l'avocat de la famille d'Ilan, Me Francis Szpiner, l'avait mis en difficulté lors d'un contrôle de connaissances sur la religion musulmane. «En fait, Fofana est incapable de faire la différence entre sunnite et chiite ou de citer un verset du Coran à l'appui de ses dires», constate un avocat.
Depuis ce jour, le «cerveau» des barbares boude l'audience. Mardi, à l'heure du réquisitoire, la présidente de la cour d'assises a cependant donné ordre de l'extraire de la souricière. «Mais Fofana ne peut être l'excuse de tout le monde, souligne Me Francis Szpiner. Il se présente comme il veut aujourd'hui mais, à l'époque, chacun avait sa liberté.» Ainsi, rappelle l'avocat des parties civiles, le calvaire du jeune homme se poursuit quand Fofana s'absente par deux fois en Côte d'Ivoire. «Et rien n'arrive, alors que Jérôme arrête tout et que Nabil refuse de couper le doigt de sa victime»…
Refusant que les responsabilités ne soient étouffées par l'attitude du principal accusé, Philippe Bilger est revenu mardi sur le rôle de chacun lors de ces vingt-quatre jours de séquestration. Après deux mois de débats, les faits sont connus. Selon Me Didier Seban, avocat d'un geôlier présumé, alors âgé de 18 ans, «lié par l'engagement pris auprès de Fofana, chacun a été un rouage à sa manière. Sans imaginer quelle serait l'issue fatale».
Pourtant des lacunes demeurent dans le dossier, symboliques de la loi du silence qui continue de s'imposer. Ainsi, la cour n'a pas arraché aux accusés les noms de deux des trois complices qui ont kidnappé Ilan Halimi en le jetant dans une voiture et qui sont toujours en liberté aujourd'hui. «En raison d'une amnésie collective, on ne sait pas non plus qui tenait l'arme et le rideau lors des séances photos, qui a pris le cliché et qui l'a envoyé à sa famille pour réclamer une rançon», ajoute Me Filet.
Des larmes ont certes été versées devant la cour d'assises. Feints ou sincères, des regrets ont été formulés. Mais la volonté de ne pas nuire à l'autre, de ne surtout pas dénoncer, a manifestement persisté. «À de nombreuses questions, les réponses sont restées courtes, souligne un avocat. On a parfois menti, on a aménagé la vérité pour mieux se présenter.»