Quand les homos palestiniens s'enfuient en Israël...

Publié le par JSS

Le site antisémite bellaciao vient de mettre une interview surprennante... Celle d'un homosexuel palestinien, qui s'est réfugié à Tel-Aviv, et qui ne veut pas rentrer à Naplouse... Il avoue avoir été empoissoné par les services de sécurités palestiniens, puis torturé... Avant qu'on lui propose d'espioner Israël!
Comme quoi, Israël est vraiment un idéal démocratique...

Sami, 23 ans, nous reçoit chez lui, dans un quartier pauvre du sud de Tel-Aviv. Le jeune homme préfère dissimuler son identité et ne souhaite pas que son visage soit photographié. Récit d’une vie d’angoisse et de courage.

Vous vivez clandestinement à Tel-Aviv. De quelle ville palestinienne venez-vous ?

Je viens d’une famille musulmane de Naplouse. Nous vivions dans des conditions économiques relativement bonnes. Déjà très jeune, je n’étais pas à l’aise dans ma peau. Je voulais partir de chez moi, découvrir le monde et, surtout, quitter Naplouse. Car, là-bas, les mentalités ne sont pas vraiment ouvertes. Quand j’avais environ 15 ans, mon père, dont je me sentais proche, m’a dit qu’il comprenait mon « problème ». Il était d’accord pour que je parte. Je crois qu’il se doutait de quelque chose, même si nous n’avons jamais parlé de mon homosexualité. Au départ, mon envie de voyage n’était pas particulièrement liée à ma sexualité. Mais, petit à petit, c’est devenu plus évident. Je suis arrivé en Israël en 1998, à 15 ans et demi. Je travaillais sur les marchés. Au début, je rentrais chez moi le week-end. Puis je ne suis plus revenu. Je préférais rester à Tel-Aviv. Je n’envoyais plus d’argent à ma famille, qui était très inquiète. Cela a commencé à devenir conflictuel entre nous. Je leur disais que je mettais de l’argent de côté, alors qu’en fait je le dépensais. À Tel-Aviv, je dormais dans la rue. C’était une période assez difficile. Et puis, surtout, j’étais un clandestin en territoire israélien – ce que je suis toujours. Je craignais qu’on m’arrête.

Fréquentiez-vous des lieux gay à Tel-Aviv ?

Oui. Assez vite, j’ai fréquenté des endroits comme la gare routière centrale, et certains clubs. Plus tard, j’ai partagé un appartement avec d’autres Palestiniens gay qui étaient dans la même situation que moi. Puis j’ai rencontré un garçon, avec lequel j’ai vécu cinq ans. C’est un transgenre, qui est en train de devenir une femme. Il est juif israélien.

Comment faisiez-vous pour survivre ?

Dans le groupe de Palestiniens gay que je fréquentais, la plupart se prostituaient. Moi, j’ai essayé une fois, mais je n’ai pas réussi. Je me suis enfui, et je n’ai jamais voulu recommencer. Même si la vie était très difficile à Tel-Aviv, je préférais y vivre sans argent que de retourner dans mon village. Parce que j’étais libre. Il n’y avait plus personne pour me demander : « Qu’est-ce que tu fais ? Où tu vas ? Avec qui ? »

Êtes-vous revenu en Palestine après votre installation à Tel-Aviv ?

Six mois après mon arrivée en Israël, mon père est mort d’une crise cardiaque. Ma famille a alors commencé à me rechercher. Elle a réussi à me contacter. Quand je suis arrivé dans mon village, j’ai compris que mon père était mort depuis plusieurs mois. Je n’ai pas pu être présent à son enterrement, ni aux prières. Aujourd’hui encore, j’ai beaucoup de mal à admettre sa mort.

Que s’est-il passé ensuite ?

J’ai été emprisonné. Au moment où j’arrivais chez moi, alors que j’étais en train d’embrasser ma mère, la police palestinienne, venue m’interroger, m’a arrêté. Ils voulaient savoir pourquoi je vivais en Israël et connaître la nature de mes relations avec les garçons là-bas. Durant un mois, cinq heures par jour, j’ai été interrogé, frappé. J’ai subi des sévices et des violences graves. J’ai été torturé. Regardez toutes ces cicatrices. [Il nous les montre.] On m’avait rasé la tête, pour signifier aux autres détenus que j’étais gay. J’ai été blessé gravement à la main pendant les interrogatoires. Au bout d’un mois, après que ma famille a payé, je suis rentré chez moi pour me soigner. Mais à peine étais-je arrivé que des membres du Hamas [mouvement de résistance islamique] sont venus me chercher. Un de mes frères leur a dit que j’étais absent. Ils ont laissé un mot. Je devais prendre contact avec eux. Toute la nuit, j’ai discuté avec ma famille. Ils m’ont dit : « Tu as réussi à survivre en Israël, il faut donc que tu repartes, sinon le Hamas va te tuer. » Je suis parti la nuit même.

Certains disent que les autorités palestiniennes et israéliennes font pression sur les gays palestiniens pour s’en servir comme espions… Qu’en pensez-vous ?

Pendant ma détention, la police palestinienne m’a fait une proposition écrite. Ils voulaient que j’espionne pour leur compte. Mais je ne pouvais pas écrire – j’ai été blessé gravement à la main pendant ma détention –, donc je n’ai rien signé. Quant à l’armée israélienne, elle ne m’a pas contacté. Mais je connais plusieurs histoires où l’armée ou la police israéliennes ont cherché à contacter des gays palestiniens, mais aussi des femmes palestiniennes qui étaient parties de chez elles, pour en faire des espions. Les Palestiniennes qui arrivent en Israël sont elles aussi en grand danger. Cela ne concerne pas seulement les gays. Quand j’étais en prison, je n’ai jamais dit que j’étais gay. Les policiers n’en étaient pas certains. Si la police palestinienne est certaine de l’homosexualité de quelqu’un, elle le tue immédiatement. En plus, il faut comprendre que, pour un Palestinien, si tu vis en Israël, tu es considéré, quoi qu’il arrive, comme un espion. J’aurais pu dire la vérité sur mon homosexualité pour contrer toute accusation d’espionnage. Mais c’était renoncer à la vie, et je voulais vivre. J’ai toujours gardé à l’esprit que je devais me battre pour retrouver ma liberté.

Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

J’ai tout quitté en Palestine. J’ai l’impression d’avoir gagné une chose : ma liberté. Mais c’est une liberté très précaire. J’ai l’impression que mes ennuis ne s’arrêteront pas tant que je vivrai près des Territoires occupés. J’ai toujours peur d’être arrêté par la police israélienne, notamment quand je travaille. Je n’ai aucuns papiers, juste le laissez-passer donné par l’association Aguda, où il est dit qu’ils s’occupent de moi [lire ci-dessous]. Une fois, la police m’a arrêté et m’a renvoyé à la frontière. Je me suis caché et je suis revenu. Je ne peux absolument plus rentrer en Palestine, j’y risquerais ma vie. C’est pour cette raison que je suis en train d’essayer de partir. J’ai envoyé des lettres un peu partout dans le monde, j’ai contacté les Nations unies. J’essaie de trouver un pays qui puisse me donner le statut de réfugié, mais c’est très compliqué. Connaissez-vous des gens qui ont obtenu le statut de réfugié dans d’autres pays ? Oui. Je connais plusieurs couples gay. C’est un très long processus. C’est très difficile à obtenir, mais c’est possible. Les démarches sont faites par Aguda, qui nous offre une aide juridique.

Aujourd’hui, comment définissez-vous votre identité ?

Si un jour je vais aux États-Unis et qu’on me demande d’où je viens, je crois que je dirais que je viens d’Israël. Je ne veux plus dire que je suis palestinien. J’ai l’impression d’avoir totalement coupé les ponts avec mon ancienne vie, de m’être totalement séparé de mon identité. En fait, j’ai l’impression de n’avoir plus vraiment d’identité. Je me sens aujourd’hui plus proche des juifs que des Arabes. C’est pour cela que, même s’il y avait la paix en Palestine, je ne rentrerai jamais. J’ai trop souffert là-bas.

Est-ce que vous avez le sentiment d’avoir trahi vos origines en choisissant de vivre en Israël ?

J’ai l’impression d’avoir fait du mal à ma famille, d’avoir trahi ma culture. Je l’ai ressenti dès le début, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Et puis, j’ai eu beaucoup de problèmes avec l’un de mes frères. Il a essayé de me tuer pour venger l’« honneur trahi » de ma famille, car il estime que j’ai collaboré avec l’État israélien en partant vivre à Tel-Aviv. Il nous a beaucoup harcelés, moi et mon ex-petit ami. J’ai changé plusieurs fois de numéro de téléphone, j’ai essayé de disparaître complètement. Aujourd’hui, ma situation n’est pas très bonne. Depuis que je me suis séparé de mon ami, je vis chez un copain, mais il va bientôt vendre son appartement. Il faudra que je trouve un autre endroit. Je continue de travailler à Jaffa [un quartier de Tel-Aviv], où je vends des falafels dans la rue.

Comment avez-vous résisté à toutes ces épreuves ?

J’ai vécu avec des SDF, avec des usagers de drogues, j’ai eu des périodes très difficiles. Mais j’aime la vie. C’est ce qui m’a permis de survivre. En plus, je crois en Dieu. Je ne suis pas musulman, je ne pratique aucune religion, mais je crois en Dieu. Cela m’a beaucoup aidé. Interview réalisée en janvier 2005, traduite par Assaf Shoshan et Emmanuelle Cosse

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