Le Pape se rendra en Israel ? Non, en Terre Sainte !

Publié le par JSS

Il faut bien admettre qu’à moins d’avoir appris à lire entre les lignes…pontificales, les propos du pape annonçant qu’il se rendra en « terre sainte » et non en Israël, sont anodins, ne tirent pas à conséquence et ne font que traduire l’empreinte de sainteté conférée par le passage de Jésus de Nazareh sur la terre accordée au peuple juif par la promesse divine.

Ce point de vue qu’il y aurait naïveté à maintenir nous empêcherait de discerner dans les propos du pape l’indication d’une dimension et d’une cohérence théologiques dont on a distingué le fil conducteur dans des évènements aussi déplorables que révélateurs qu’ont été récemment la levée de sanction de l’évêque négationniste ou l’attitude vaticane à Durban II.

Maintenir cette légèreté dans la façon de considérer l’appellation de la terre d’Israël nous éloignerait d’une vérité plus subtile aux tragiques prolongements et risquerait de nous exposer aux fatalités de la candeur.

D’abord, il ne faut pas être grand clerc pour s’étonner que le pape, gardien de la foi, occulte la réalité biblique du don de cette terre à Jacob devenu Israël, en ne la désignant pas du nom de celui à qui elle a été confiée, quand bien même ravie jusqu’en 1948.

Il semblerait, dans l’optique pontificale, que cette terre soit tellement marquée de l’empreinte divine qu’elle échapperait à la main mise de l’homme. Un no man’s land divin en quelque sorte. On commence à distinguer les mailles du filet dans lequel on veut confondre les Juifs quant à leur prétention de réaliser la promesse « l’an prochain à Jérusalem, » à reconnaître les éléments d’une stratégie qui n’accorde pas de fondement théologique au sionisme.

Cette terre échappe à l’homme, son appropriation est illégitime. N’est ce pas la confirmation d’une vision du monde où l’Etat d’Israël, quand bien même les Nations auraient reconnu son existence, devra rester en dehors d’une histoire qui l’a exclu depuis que les Juifs ont rejeté l’illusion de la Croix ?

Certes, il est aisé de comprendre voire d’admettre que pour le saint-siège la terre d’Israël reste la terre sainte, » le support terrestre où Jésus de Nazareth est né, a vécu et où, selon les Evangiles, a connu la Passion, puis est mort et ressuscité.

Mais que cette terre soit désignée exclusivement ainsi et, par le saint-siège de surcroît, révèle aussi et d’abord une dimension religieuse qui définit la place qu’occupent les Juifs, le Judaïsme et l’Etat d’Israël dans la théologie de l’Eglise romaine et plus généralement dans sa vision du monde.

Evoquer la terre sainte sous tend aussi, un regard réducteur de l’histoire, comme si ce qui s’est passé sur cette terre lui a décerné, (en l’occurrence, la naissance, la vie et la mort de Jésus,) une fois pour toutes, un statut singulier dont l’avenir ne dépend plus désormais de ce qu’en feront les hommes.

D’autre part, si cette terre est d’abord et essentiellement « sainte », la question relative à l’identité de son « locataire » ne se pose pas, car, par nécessité, son occupation étant illégitime elle restera provisoire !

La terre sainte est d’ici-bas mais sa sainteté la relie à une destinée méta historique qui éloigne les hommes de toute prétention à s’en faire une patrie.

On commence, à entrevoir la cohérence de l’attitude et on en distingue avec effroi les conséquences inéluctables. On comprend, en effet, que l’emploi des termes « terre sainte » bien loin d’être l’expression d’une orientation spirituelle d’une parcelle de terre traduit d’abord l’absence de légitimité à en faire le support de l’Etat Juif !

Que, par ailleurs, ses occupants soient, selon les aléas de l’histoire, Juifs, Arabes, Francs, Ottomans n’interférera pas sur cette conception, puisque tous ne pourront nier que cette terre ayant été le cadre de la révélation monothéiste, il reste raisonnable de la qualifier de sainte. Et l’Eglise, par cette pirouette évitera ainsi d’être impliquée dans des conflits de reconnaissance.

Certes, le Vatican reconnaît une légitimité à l’Etat d’Israël depuis…1993 ! N’était ce pas le moins qu’il pouvait faire après la Shoah ? La suite des évènements indique qu’il faut y voir bien plus un acte politique qu’une reconnaissance théologique, le pape se rendant en terre sainte, non en Israël !

Cependant, maintenir exclusivement cette appellation pour désigner la terre où depuis 1948 renaît la nation juive reste un indicateur majeur de la non reconnaissance effective de l’Etat d’Israël par le Vatican.

Dans une étude publiée en 2005, à la Société des écrivains sous le titre LA VOCATION ANTISEMITE, j’ai tenté d’expliquer, entre autres, que pour des raisons liées à la cohérence théologique, il n’y aura jamais de rapprochement avec l’Eglise, tant que sera maintenue sa prétention à n’être fondée que sur la disqualification d’Israël.

Et si cette extra- territorialité de la terre d’Israël avait été conçue pour empêcher tout retour du peuple juif dans l’histoire, pour neutraliser toute volonté d’y jouer un rôle, son rôle ? Nous sentons bien que c’est là le point de convergence de tous les éléments constitutifs du contentieux.

Quand on sait d’où vient le mal, on est responsable de ne pas s’en être prémuni…

Et quand Benoît XVI affirme qu’il se rendra en « terre sainte »et non en Israël, c’est une injure de plus. Mais ce pape est-il capable d’un autre langage quand il s’adresse au peuple porteur de la Promesse ?


blog terredisrael.com – vu le 23/04/2009 - Par Arnold Lagémi

Publié dans Tribune Libre

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