La vision de Netanyahu sur Israël et le Proche-Orient
Le premier Ministre israélien désigné, Benjamin Netanyahu, a rencontré il y a un mois, Lally Weymouth du magazine Newsweek-Washington Post, pour sa première interview avec un média étranger depuis que le président israélien Shimon Pérès lui a demandé de former le prochain gouvernement. En voici des extraits :
Q. D'après certaines informations, le président Shimon Pérès pense que vous avez mûri depuis que vous avez rempli les fonctions de premier Ministre en 1996.
R. On ne peut que l'espérer. Je pense que le temps a ses avantages. L'un d'eux étant de réfléchir sur ses expériences et à celles des autres. J'ai observé attentivement les succès des gouvernements et . . . [cherché à] en tirer des éléments politique et de leadership qui me permettront de conduire Israël vers un avenir meilleur – celui de la paix, de la sécurité et de la prospérité. Je propose une [nouvelle] manière qui, je pense, pourra réaliser le progrès : continuer les pourparlers politiques tout en encourageant le développement économique qui a déjà commencé et également renforcer les forces de sécurité palestiniennes.
J'envisage personnellement d'assumer la charge d'un comité gouvernemental qui abordera régulièrement les besoins de l'économie palestinienne en Cisjordanie. Mais le progrès économique n'est pas un substitut au progrès politique. Ce n'est pas un substitut mais en Irlande du Nord, cela avait considérablement facilité l'Accord du Vendredi saint et d’autres accords qui ont suivi.
Alors vous pensez que vous pouvez simultanément promouvoir le progrès économique et le progrès politique ? Et montrer une différence réelle entre la Cisjordanie et Gaza ?
C'est ce qu'il s'est passé. Au cours du dernier conflit, la Cisjordanie ne s'est pas enflammée. Les individus étaient préoccupés par la perte des vies humaines à Gaza, tout en disant : "Nous ne voulons pas prendre ce chemin. Nous sommes aux prémices d'un développement économique à Jenin et nous ne voulons pas un régime fondamentaliste islamique." Ils souhaitent une société gouvernée par la loi et l'ordre.
Le président Abu Mazen (en photo ci contre) et le premier Ministre Salam Fayyad ne contrôlaient-ils pas la Cisjordanie ?
Cela est correct. Mais quelque soit la force de contrôle local, je ne pense pas qu'il aurait pu faire face à une explosion.
Que répondez-vous lorsqu'on vous demande si vous croyez en la solution à deux états telle que George Bush l'avait esquissée en 2002 ?
En substance, je pense qu'il y a un consentement général à l'intérieur et à l'extérieur d'Israël que les Palestiniens devraient avoir la capacité de gouverner leurs vies mais sans menacer les nôtres.
N'avez-vous pas dit que la dernière opération à Gaza n'avait pas été assez loin et que le Hamas devrait être renversé ?
Le Hamas est incompatible avec la paix.
Que faites-vous alors à ce sujet ?
J'espère que les Palestiniens à Gaza trouvent la capacité de changer ce régime parce que nous voulons la paix avec tous les Palestiniens. Aujourd'hui, ce que nous devons faire c'est de permettre l'aide humanitaire de circuler dans Gaza mais pas de telle sorte que le Hamas soit capable d'acheter plus de roquettes.
Quel type de message est-il transmis lorsque le sénateur John Kerry se rend à Gaza, reçoit une lettre du Hamas pour le président Barack Obama, puis s'envole vers Damas ?
Pour l'heure, la Syrie parle de paix mais a permis au Hezbollah de s'armer d'une dizaine de milliers de roquettes malgré les résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU. Depuis la Seconde Guerre du Liban, la Syrie a accueilli Khaled Meshal et d'autres leaders terroristes et a étroitement collaboré avec le régime des Ayatollahs en Iran contre l'intérêt de la paix dans la région… Je demanderais à la Syrie de renoncer à ces moyens d'action et de prouver qu'elle souhaite réellement avancer vers la paix. A ce jour, elle n'en donne pas l'impression …
Je me retrouve dans la position inhabituelle d'être le seul optimiste. Cela m’est arrivé auparavant. A l'apogée de la crise économique de 2003, j'avais la confiance absolue que mes politiques sauveraient Israël de l'abyme d'une catastrophe économique. Et nous avons réussi. Israël est aujourd'hui mieux placé que la plupart des pays occidentaux face à cette crise économique.
Et ceci grâce à quoi ? Vos politiques en tant que ministre des Finances ?
Je pense que c'est une des conséquences des politiques que nous avions alors, et qui n'étaient pas populaires à l'époque. Les banques sont plus solvables, et la position macroéconomique d'Israël est en bien meilleure forme. De même, je me retrouve à défendre des politiques qui ne sont pas encore comprises. Celle qui me tient à cœur est de parvenir à la paix et à la sécurité.
Vous n'êtes pas le faucon de droite que l'on décrit dans les journaux ?
Je suis la personne qui a fait les Accords de Wye Plantation et l'Accord de Hébron à la poursuite de la paix. Je pense qu’un bon nombre de personnes de l'époque pensait que le problème était le gouvernement israélien, en particulier le mien, et que Yasser Arafat était la solution et non le problème. Cette perception a quelque peu changé depuis.
Qu'en est-il des Américains, dont le nouveau gouvernement n'est peut-être pas aussi amical à l'égard de votre pays que l'administration de George Bush ?
J'ai eu deux excellentes réunions avec le président Barack Obama. Je l'ai trouvé ouvert à de nouvelles idées et à la recherche de nouvelles idées et de nouvelles voies pour obtenir un résultat satisfaisant aux négociations israélo-palestiniennes et [à la situation] au Proche-Orient en général . . . Il m'a dit que la quête aux armes nucléaires de l'Iran était inadmissible aux États-Unis. Il était très intéressé par les idées que j'ai avancées sur une nouvelle approche de la paix...
L'armement de l'Iran avec des armes nucléaires causerait une menace considérable non seulement pour Ia sécurité d'Israël mais aussi au sein de la stabilité de presque tous les gouvernements arabes du Proche-Orient. De nombreux gouvernements arabes entreraient dans une course à l’armement nucléaire, et c'est une chose qui est contradictoire aux intérêts de tous ceux qui recherchent la paix et la sécurité. Si nous voulons progresser avec les Palestiniens, cela ne pourra pas se faire sans empêcher l'Iran d'acquérir des armes nucléaires. Je poursuivrai immédiatement les négociations de paix avec les Palestiniens, sans en aucun cas les conditionner par l'issue iranienne, mais … la communauté internationale devrait faire tout son possible pour empêcher l'Iran d'acquérir des armes de destruction massive.
Pensez-vous que sans action militaire, il est possible de mettre fin au programme nucléaire iranien ?
L'Iran est considérablement plus faible qu'il était il y a six mois à cause de la crise économique et de la chute soudaine du prix du pétrole … Ce régime est sensible à la pression qui devrait s'intensifier. Mais aucune de ces sanctions et autres mesures … aurait un quelconque effet si les Iraniens sont persuadés qu'une option militaire n'est plus au programme.
Le président Shimon Pérès m'a dit que vous pensiez que votre plus grande erreur a été de ne pas avoir formé un gouvernement d'unité nationale avec lui en 1996.
Cela est tout à fait vrai. Avec du recul, j'aurais du rechercher l'unité nationale, et j'aspire à y remédier aujourd'hui. J'espère tout simplement que mes collègues des autres partis comprennent les besoins auxquels Israël fait face aujourd'hui.