Ma grève à moi
À la lecture des chiffres en bas de la colonne, il apparaît que j’ai intérêt à faire régulièrement des exercices d’entraînement mémoriel, et que mes descendants devront traverser ce monde de brutes sans filet, la bourse à papa s’étant notablement aplatie.
J’ai donc épargné plus pour gagner moins, alors que j’en étais resté à ce brave Guizot, suivant ses sages conseils pour m’enrichir grâce à mon travail et mon épargne.
Je suis donc furieux, et pourtant ne sais contre qui tourner ma colère. On m’invite, çà et là, à fustiger le libéralisme (surtout celui du genre ultra), à relire les œuvres de deux barbus qui font un come-back remarqué, à changer de voiture pour dépenser moins de carburant, à adhérer au NPA de Besancenot, à faire mon alyah1 (au moins, là-bas, on a d’autres problèmes plus préoccupants que ces minables histoires de pognon !).
Marx, j’ai déjà donné, le facteur me donne des boutons, ma bagnole me convient parfaitement, et le climat de Tel Aviv ne convient pas à mes poumons exigeant au moins 1000 mètres d’altitude pour se sentir à l’aise.
J’ai donc fait grève. Avec occupation des locaux, à savoir chez moi. Je n’ai parlé à personne, car si on en est là c’est la faute à personne.
Je remercie donc ceux qui sont descendus dans les rues de nos villes avec des idées bien arrêtées sur ce qu’il faut faire pour que mon PEA retrouve ses couleurs d’antan. J’ai comme l’impression qu’ils s’en fichent, mais je ne leur en veux pas.
Par Luc Rosenzweig, Ancien journaliste au "Monde", Luc Rosenzweig est l'auteur de plusieurs essais dont "Lettre à mes amis propalestiniens" (La Martinière) et "Ariel Sharon" (Perrin).