"Vous êtes sionistes?"

Publié le par JSS

Article Rédigé par Alexandre (pseudonyme) pour le blog JSS. Alexandre est citoyen Français. Cet article relate une de ses nombreuses expériences de vie.


Certaines questions que l'on vous pose dévoilent souvent bien plus les intentions de votre interlocuteur que les justifications qu'il tient à vous donner. Vous en savez plus, non seulement sur ce qu'il croit vouloir donner de lui, mais surtout sur ce qu'il s'évertue à ne pas montrer de lui. Une question en passant, lachée presque par inadvertance, le regard pressant et non dénué d'implicites. '' Vous êtes sioniste ? ''

Me fallait-il satisfaire, par un simple '' oui '' ou '' non '', la curiosité de mon interlocuteur ? Mais l'insistance ironique et aggressive avec laquelle il me pressait de lui répondre : '' Mais il n'y a pas de honte à cela. '' s'apparentait à clairement à une menace. Le jugement était radical : soit je me rangeais dans la catégorie de ceux qui doivent avoir honte pour ce qu'ils sont (les sionistes), soit je me rendais complice de ce verdict arbitraire en me défendant d'être sioniste, puisque, selon ses catégories, ce serait être objet de honte, quand bien même se désavouer aurait été une véritable honte.

Immédiatement me revint en mémoire ces célèbres lignes des Lettres Persanes. '' Ah!... Vous êtes persan ? Comment peut-on être persan ? ''. Le « Persan » de Montesquieu n'est pas une autobiographie, c'est une fiction, un miroir qui, d'Isfahan à Paris, dévoile, sous une apparente neutralité, les insuffisances de l'honnête homme du 18ème siècle. Que signifiait d'autre cette question sur mon supposé sionisme si ce n'est le refus de la différence, l'insolente complaisance dans les préjugés, l'ignorance de l'altérité, et le verdict le plus absurde. Car, dans sa vision, être sioniste n'était pas simplement une opinion, mais une faute, une tare, et même un crime. Vous vous trouvez d'emblée jeté dans un abîme d'accusations toutes plus délirantes que contradictoires. Vous perdez le droit de vous exprimer, le droit de vous défendre, vous devenez à ce moment l'incarnation réelle et concrète de l'infamie qu'il ne cesse de fantasmer! Vous n'êtes même plus digne de chercher une raison d'être au jugement sans appel que votre interlocuteur vient de vous asséner. D'un seul coup, vous n'êtes même plus le Persan, original mais traité avec indifférence, mais bien l'accusé Joseph K. du Procès.

Du point de vue de mon interlocuteur, ne pas être juif me laissait une excuse, un échappatoire : l'ignorance, voire plus simplement la stupidité. Pour lui, il ne faisait aucun doute que j'étais un idiot. Il ne pouvait pas concevoir une vision du monde autre que la sienne. Toute contestation est, selon lui, négation de la réalité. C'est pourquoi il entreprit alors, avec une patience feinte, de m'absoudre de ce crime en m'encourageant à dénoncer et à diffamer à mon tour les égarés comme moi. La manœuvre est connue : pendant des siècles, nombreux ont été les juifs convertis au christianisme qui, par zèle ou par peur, devaient salir les anciens corréligionnaires ; leurs calomnies servaient alors les polémiques antijuives ou antitalmudiques.

'' Ce que vous n'avez pas compris, c'est que l'entité sioniste, dans sa forme actuelle, est contraire au droit international, aux normes humanitaires et n'en a plus pour longtemps.'' La sempiternelle vulgate antisioniste ne me surprend pas. Elle est d'ailleurs, depuis le début, à cours d'idées. Elle n'est qu'une pitoyable compilation de non-sens et une néfaste reconduction de préjugés judéophobes, plus ou moins adaptés aux (dé)goûts du jour. La manipulation est d'autant plus déplorable et indigne qu'elle fait usage de revendications légitimes (le droit des minorités, ...) en leur vidant de toute signification : le droit ou l'humanitaire sont marchandés au vil prix de la surenchère victimaire, et ne vise qu'à présenter Israël comme un état indigne et donc illégitime dans ses pratiques. Le sort des enfants soldats au Sri Lanka ou du Darfour est indifférent aux antisionistes : seule compte leur haine.

Face à mon refus d'obtempérer, mon interlocuteur est alors obligé de préciser sa propagande : c'est le deuxième niveau : amplifier jusqu'à l'écœurement la victimisation et passer à l'accusation de collaboration. '' Vous ne pouvez pas affirmer votre soutien à Israêl sans être complice d'un état policier et d'une armée d'occupation qui commet aux yeux de tout le monde un génocide que personne ne reconnaît ? '' De quoi parlait-il ? Comment vouez-vous répondre à de pareilles inepties ? Dex poids, deux mesures ! Un soldat, du moment qu'il est juif ou israélien, est coupable. Un soldat, de quelque pays moyen-oriental qu'il proviennent, est auréolé d'une curieuse inattention, ils deviennent invisibles, et chacun sait comme la liberté s'exprime à Damas, Riyad, ou au Caire ... Je m'attendais à ce qu'il évoque les check points et exploite notamment l'image des ambulances dites palestiniennes bloquées temporairement, et je lui réponds poliment : '' Monsieur, dites-moi alors à quoi peuvent bien servir les ambulances en Cisjordanie pour qu'elles soient bloquées ainsi ? À quoi peuvent servir les certificats médicaux des médecins palestiniens pour qu'ils soient vérifiés auparavant ? À transporter des explosifs et à fournir le moyen d'entrer en Israel pour les islamikazesi ! C'est contraire au droit international ! Il suffit de vous informer. ''

Le discours antisioniste se fonde sur un principe : obtenir une illusion de légitimité (langage de l'humanitaire) tout en lui ôtant son contenu. L'objectif est l'effet immédiat produit par le choix récurrents des mots orientant la lecture des événements (activistes ou militants pour désigner un terroriste !). Bien sûr, il n'est pas question de l'appliquer pour ceux qui le revendiquent. En coupant tout lien entre l'idée et la réalité, en faisant de l'idéologie la seule réalité, les déformations sont non possibles, mais se nourrissent les unes des autres. Il n'y a pas un domaine où les '' antisionistes '' ne sont en contradiction.

Lorsqu'il me demande si je peux lui expliquer pourquoi le hamas n'a pas été reconnu si ce n'est parce qu'il a été élu démocratiquement, je ne peux m'empêcher, par irritation, de lui rappeller que Hitler a été élu '' démocratiquement '', s'il entend par « démocratiquement », être élu suite à une campagne électorale marquée par les intimidations et les violences ... Et je lui demande, à mon tour, si la prise du pouvoir à Gaza est '' démocratique '', à moins qu'il pense que démocratie soit synonyme avec assassinat de civils ou d'opposants politiques ! Il y a un paradoxe constant dans le discours antisioniste / antisémite qui consiste à attribuer arbitrairement les critères de valeurs occidentaux dans lesquels les sociétés orientales ne se reconnaissent pas (laïcité, séparation du religieux et du politique, droit des femmes, tradition judéo-chrétienne, ... ) avec pour objectif d'identifier palestiniens et européens (d'où le '' Euro-Palestine '' ... Pourquoi pas '' Euro-Darfour '' ? Là, au moins, il n'y a pas besoin d'inventer un génocide imaginaire ...) Les palestiniens se battraient pour les mêmes idéaux que nous. Le '' nous sommes tous des juifs allemands '' devient '' nous sommes tous du hamas ''. L'inversion des valeurs est totales. L'assassin devient '' résistant '', au même titre que la '' résistance '' sous l'occupation allemande. Mais lorsqu'il est question que ces mêmes '' resistants '' appliquent nos critères, ils ont subitement droit à leur différence culturelle : ainsi, les chrétiens arabes doivent s'acquitter de la capitation, la djiziya, voilà le sens de l'humain qu'offre le Hamas, le racket cautionné par la religion ! Si les manuels scolaires palestiniens payés par le contribuable européen déforment l'histoire, c'est leur vision du monde ! C'est du fait même de ces contradictions que l'antisionisme révèle sa profonde motivation, une judéophobie virulente, et pour le coup sincère, qui s'embourbe dans le négationnisme le plus infect.

Sentant la discussion lui échapper, mon interlocuteur tente de m'asséner : '' Mais c'est le sionisme qui est l'héritier du nazisme, ils ont collaboré, c'est prouvé ! ''. J'avais déjà entendu ce genre d'inepties répugnantes totalement infondées, faisant des sionistes les meurtriers des juifs durant l'Holocauste. Identifier la victime à son bourreau, et faire de la victime, non seulement l'exécutant mais surtout l'instigateur de la violence à son encontre constituent une perversité telle que je peux comprendre pourquoi d'autres génocides les laissent si indifférents : l'idéologie antisioniste est dans son cœur génocidaire. Cela explique le silence dans les doctes '' explications '' des sites '' antisionistes '' sur les objectifs négationnistes et génocidaires du '' nationalisme '' palestinien. L'histoire rattrape mon interlocuteur : se souvient-il de la déclaration d'Azzam Pacha, secretaire général de la Ligue arabe, au moment de la guerre d'indépendance d'Israël ? De la visite de Hajj Amin al Husseyni auprès de son modèle et mentor Hitler ? De l'alliance entre les nazis et Al-Qaylani du cercle d'or irakien qui ouvrit les portes de l'Irak aux armées nazies en 1941 ? A-t-il besoin que je lui cite Sayed Qutb ou Qaradawi ? Qu'il lise le Qur'an [en particulier la sourate 187] qui sert de '' justifications '' à la judéophobie actuelle ? '' De toute façon, cela fait des milliers d'années que les juifs posent problème. Vous ne trouvez pas bizarre que tous les peuples qui les ont accueillis se sont mis à les haïr ? ''

Je lui réponds : '' Peut-être me suis-je trompé, mais n'aviez-vous pas, dès le début de notre « conversation, différencié les sionistes des juifs en me disant que vous n'étiez que antisioniste ? '' ''À chaque fois, les juifs soutiennent les sionistes, donc ils ne sont que des collabos comme vous. Ils n'en ont plus pour longtemps. '' ...

Il est clair que ce représentant de l'antisionisme français de gauche ne tient pas longtemps avant de dévoiler sa véritable nature ! Se revendiquant de l'héritage de la Révolution (ou ne devrait-il pas plutôt dire, de la terreur ? ...) il pavane avec des mots éloquents qu'il trahit à la première occasion et paie de son indignité les multiples compromissions de conscience. Bien que je savais que l'antisionisme n'était qu'une version différente et contemporaine de l'anti-sémitisme, je ne pouvais qu'être étonné par son étendue, jusque dans un milieu professionnel. Il n'est pas surprenant non plus qu'à peine plus d'un siècle après la création de partis anti-sémites en Europe, le '' pays des droits de l'homme '' se distingue à nouveau par la création d'un parti anti sioniste. Les mots peuvent changer, le but est resté le même. Que les ramassis bruns-rouges-verts les plus abjects se retrouvent n'est pas non plus une surprise. Ce qui l'est en revanche, et de façon beaucoup plus inquiétante, c'est la lâcheté et la complaisance de la '' minorité silencieuse ''. '


''Quand ils sont venus chercher les communistes,

Je n’ai rien dit,

Je n’étais pas communiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,

Je n’ai rien dit,

Je n’étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les juifs,

Je n’ai pas protesté,

Je n’étais pas juif.

Quand ils sont venus chercher les catholiques,

Je n’ai pas protesté,

Je n’étais pas catholique.

Puis ils sont venus me chercher

Et il ne restait personne pour protester.''

Ces mots du pasteur Niemöller sont plus que d'actualité.



(1) Rapport de mai 2008. « évolutions du terrorisme contre Israël en 2007 et orientations en 2008 ». Centre d'informations sur les renseignements et le terrorisme;

Publié dans Tribune Libre

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M
magnifique ! tout est dit
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Y
bravi bravi bravo !Superbement rédigé!
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S
Bravo Alex'superbe article
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K
Excellentissime !!!Bravo Alexandre... Très elle plume! Et bien envoyé !
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