La mystèrieuse histoire de l'Arctic Sea
«Il faudra des mois avant que nous ayons une idée de ce qu’il s’est réellement passé » , confiait mercredi 19 août Rabbe von Hertzen, responsable du bureau national d’enquête finlandais. La version officielle d’une piraterie semblait en effet, jusqu’à ces derniers jours, rocambolesque, aucun acte de ce type n’étant arrivé depuis plus cent cinquante ans dans ce périmètre. « D’autant, souligne Mikhail Voitenko, rédacteur en chef du Bulletin maritime russe «Sovfrakht», que cela aura coûté beaucoup plus cher aux bandits que ce que vaut le bateau et sa cargaison de bois estimée à 1,3 million de dollars.»
Alors, un même navire attaqué deux fois de suite, comme l’a annoncé la Commission européenne, cela paraît suffisamment louche pour que d’autres explications soient envisagées… Pourquoi des pirates prendraient-ils le risque d’attaquer une si modeste cible sur un trajet tellement surveillé et emprunté ? Pourquoi la Russie a t-elle mobilisé trois bâtiments militaires et alerté ses sous-marins nucléaires?
Une première version suppose qu’une cargaison de drogue ou d’armes aurait été dissimulée dans l’Arctic Sea lorsque, quelques semaines avant son départ, il était l’objet de réparations dans un chantier naval à Kaliningrad, en Russie. D’autres, comme Yulia Latynina, journaliste russe à l’«Echo de Moscou», présument que le chargement était bien plus sensible : « On pense bien sûr à un approvisionnement en technologies nucléaires illégales à destination de la Syrie ou de l’Iran.» Une hypothèse qui pourrait justifier les efforts déployés pour retrouver le bateau, le Bureau national d'enquêtes de la police finlandaise tenant, selon l'un de ses responsables, «en permanence informés plus de vingt pays».
Des nouvelles que rêveraient d’avoir les familles, laissées dans l’ignorance depuis la disparition du bateau. « C’est incroyable, aucune d’entre elles n’a pu avoir de contact téléphonique avec leurs proches depuis leur libération ! Elles n’ont jamais été contactées par les autorités, n’ont pas été prises en charge, et n’ont pas plus d’informations que ce qui circule sur Internet.» s’indignait mercredi Alexandre Krasnochtan, président du syndicat des marins de la région d’Arkhangelsk, d’où est originaire l’équipage.
Les yeux bouffis de larmes, le visage rongé par l’angoisse, la femme du capitaine a, durant deux semaines, assiégé les portes des organisations publiques de la ville, suppliant qu’on les aide. Avec les proches des autres marins, elle tentait de se rassurer, de taire les mauvais présages. Les amis et les familles se lisaient les derniers textos envoyés par les hommes : « Je vous aime. Vous me manquez. Je m’ennuie sans vous. » Aujourd’hui soulagée, Irina, elle, reste très inquiète quand à l’état de santé de son mari, la police suédoise disposant de photos montrant plusieurs membres de l’équipage blessés. «Dans les prochaines heures, nous pourrons parler plus en détails de ce qui leur est arrivé, pourquoi nous avons perdu le contact avec eux, pourquoi ils ont changé d'itinéraire», avait promis lundi Anatoli Serdioukov, le ministre russe de la Défense. Depuis, l’opinion attend toujours des explications plausibles.Source: Cécile Guéret avec Katia Sokolova à Moscou - Parismatch.com