Expertises psychiatriques du gang des barbares...
Leïla A. est née en 1986, d'un père artisan peintre, et d'une mère d'origine kabyle devenue employée d'une chaîne hôtelière. Elle était la petite amie de Jérôme R. depuis deux ans environ lorsque Ilan Halimi a été enlevé. Elle trouvait que Jérôme R. avait changé de comportement d'un coup, elle n'arrivait plus à le joindre, il ne venait pas aux rendez-vous qu'elle lui fixait. Leïla a su à partir du 26 janvier 2006, jour où elle a revu Jérôme R., ce qui se passait. Que quatre geôliers étaient chargés de garder Ilan Halimi, que le jeune homme était séquestré dans un appartement vide de la rue Prokofiev.
Elle a été placée en garde-à-vue du 16 au 21 février 2006, puis envoyée en détention deux jours à Fleury-Mérogis. Depuis l'affaire, Leïla souffre de troubles du sommeil, prend des anxiolytiques et des somnifères.
Dans les conclusions de son rapport, la psychologue note que Leïla n'avait jamais renoncé totalement à sa relation avec Jérôme R., et n'a même jamais cru qu'il l'avait trompée avec Audrey L. Leïla a affirmé qu'elle « aurait subi des pressions de l'entourage parental du jeune homme », pour ne rien dire, se taire. Le père de Jérôme lui rappelant toujours qu'il l'aime, que c'est des erreurs de jeunesse comme on peut tous en commettre. « Actuellement, elle se défend et cherche à se disculper » de l'inculpation de non-dénonciation de crime, dont les conséquences la « font souffrir ». « Mais elle ne semble par véritablement avoir intégré la gravité de sa position adoptée dans cette affaire », poursuit l'experte. Elle adopte une position de victime, « tant en raison d'un certain égocentrisme en lien avec sa maturité actuelle qu'en raison des sentiments qu'elle semble toujours encore éprouver pour son ami ». Et qui l'amène du coup à atténuer sa propre responsabilité, « ainsi que celle de la personne aimée », Jérôme R., dans cette affaire.
Audrey L. s'est rendu au commissariat de Montrouge le 17 février. Elle venait dire aux policiers qu'elle n'était pas étrangère à l'affaire dont il était fait état dans la presse. Elle se reconnaissait aussi dans le portrait-robot diffusé.
Audrey L. est née en 1981, d'un père devenu maquettiste au Journal Officiel, et d'une mère femme de ménage. Elle devait servir d'appât. Son rôle : aguicher des hommes dans le quartier juif, parce que ces gens ont de l'argent selon Youssouf Fofana. Audrey avait besoin d'argent, alors elle a accepté. Audrey est entrée dans un magasin de téléphonie, a demandé à un des vendeurs le numéro de l'autre, un certain Marc. Elle l'a appelé, pour lui dire qu'il lui plaisait, qu'elle allait le recontacter. Fofana l'a emmenée à Sceaux, pour lui montrer l'endroit où elle devrait attirer ces hommes. Des amis de Youssouf Fofana seraient cachés dans les buissons, ils captureraient la personne. Audrey a alors compris que sa mission serait de participer à un enlèvement. Elle a donc refusé d'aller plus loin.
Plus tard, son ami Jérôme R. lui aurait confié que quelqu'un avait été enlevé, qu'ils étaient plusieurs à le surveiller. Elle lui aurait proposé de l'aide. Il aurait refusé. Audrey ne savait pas où était séquestré le jeune homme. Elle s'est tu, parce qu'elle ne voulait pas dénoncer son copain, Jérôme R. Dans les journaux, elle a découvert la mort d'Ilan Halimi. Et s'est rendu à la police.
Audrey L. a expliqué au psychiatre qu'elle avait accepté le marché : « Mes parents devaient déménager de Bagneux, j'ai toujours entendu parler de problème d'argent... Ils me payaient mes études, je voulais être infirmière... » Et quand elle a appris l'enlèvement d'Ilan Halimi, elle dit « non, je n'ai pas pu dénoncer les faits, je n'ai pas pu dénoncer le mec que j'aimais ». Elle a décidé de se rendre à la police, parce que « c'est une question de morale... le portrait robot c'était même pas moi. »
L'expert psychiatre conclut ainsi son rapport : « L'examen d'Audrey L. a mis en évidence, chez elle, l'existence d'une névrose phobique ancienne et surtout d'une personnalité névrotique où dominent l'anxiété, la suggestibilité et un sentiment de culpabilité intense avec propension à la dépréciation de soi-même. Il existe une relation de cause à effet entre ces traits de personnalité névrotique et les actes qu'elle reconnaît avoir commis ».
Muriel I. est née en 1981, d'un père aujourd'hui retraité de la SNCF, et d'une mère agent de bureau dans une banque. C'est une amie d'enfance d'Audrey L. C'est à elle que cette dernière se confie début janvier 2006. Elle lui dit qu'elle avait dû charmer deux hommes, qu'elle devrait les rappeler pour les conduire là où des garçons, dont Jérôme R., procèderaient à leurs enlèvements. Muriel I. aurait tenté de dissuader son amie de participer à de telles opérations. Mais Audrey L. ne l'aurait pas écoutée.
Muriel I. a raconté à l'experte psychologue qu'Audrey L. est revenue lui confier autour du 20 janvier que son petit ami Jérôme R. avait gardé un garçon séquestré.
Le 15 février, Muriel I. découvrait le portrait-robot de son amie dans la presse. Elle l'aurait alors poussée à aller au commissariat.
Muriel I. a expliqué à la psychologue qu'elle reconnaissait sa part de responsabilités, « parce que si j'avais pu prévoir j'aurais dénoncé, mais l'erreur commise c'est d'avoir douté des propos que son ami Jérôme R. lui a rapportés. (...) Je me suis dit, il lui a dit ça pour lui faire peur, ou pour se faire mousser. Mais si je m'étais douté de tout ça, j'aurais dénoncé. Maintenant ,c'est trop tard, et vis-à-vis de la famille de ce jeune homme, j'ai peur de me retrouver en face d'eux, j'ai peur qu'ils me prennent pour un meurtrier (...) je ne l'assume pas, ce n'est pas moi, je n'ai pas voulu faire de mal à qui que ce soit, j'ai vu le juge, je suis effrayée (...) » Et d'ajouter : « Je vis mal le regard des autres sur cette affaire. Quoi que je fasse, même le jour du procès, je vais avoir une étiquette antisémite et je ne suis pas ça. Je ne peux pas assumer ça. Ce que j'assume, c'est l'erreur de ne pas avoir prévenu à temps, mais tout ce qu'ils ont fait, ce n'est pas moi. »
Guiri N'G. est né en 1988, d'un père « navigateur, qui faisait le tour du monde », et d'une mère femme de ménage. Lorsqu'il est examiné par les experts, il est mis en examen pour deux tentatives d'enlèvements. Dont un qui a échoué, où Fofana lui demandait de mettre le feu à un camion à Cachan. Youssouf Fofana lui avait aussi présenté deux filles, les « rabatteuses ». Guiri N'G. avait reconnu par ailleurs avoir gardé quelques heures Ilan Halimi.
Mineur, Guiri N'G. a été condamné pour vols. Juste avant d'être incarcéré, Guiri N'G. voulait s'engager dans l'armée, « pour m'enfuir d'ici, quitter la ville de Bagneux... marre ».
Il reconnaît « avoir fait trois heures en présence d'Ilan Halimi, avoir mis le feu à un camion pour une diversion, avoir accompagné une fille à Paris ».
Le psychiatre Jean-Claude Archambault évoque « un sujet intelligent, qui n'est pas influençable- sachant très bien se placer dans la relation ». Guiri N'G. ne parle pas de menaces de Youssouf Fofana, « je ne peux pas dire ça ». Il se situe plutôt dans une relation de service : « le fait que ce soit un grand de ma cité... il me demande un service, je le fais ». Guiri N'G pensait aussi « qu'il allait peut-être me récompenser en me payant ». Il reste perplexe devant els actes qu'il a commis : « Franchement, on ne savait pas que ça allait être si grave ». Et : « Je ne pense pas que c'est un meurtre prémédité... je ne pense pas qu'il l'ait tué exprès, en sachant que ça lui aurait rien rapporté. »
En conclusion, le psychiatre estime que « le sujet ne présente pas un état dangereux, au sens psychiatrique du terme ».
Cédric B-S-Y est né en 1988, d'une mère martiniquaise, technicienne de surface, et d'un père guadeloupéen qui ne l'aurait pas reconnu. Vers l'âge de 15 ans, il a bénéficié d'un suivi judiciaire éducatif. Il a gardé Ilan Halimi dans le local technique. C'est Nabil M. qui le lui aurait demandé en lui précisant qu'il y avait de l'argent à se faire. « Dès le premier jour, j'ai pu constater que l'otage présentait des traces brûlures par mégots au niveau des côtes et du dos (...) En fait, Fabrice et moi, nous avons gardé l'otage pour dépanner sans même savoir combien on allait être payé ». Le cinquième jour, Cédric B-S-Y est retourné au local vers 11 heures, comme d'habitude. Le local était vide. « Je vais à la cabine pour appeler Fabrice qui me dit : « c'est fini, c'est bon ! » Je suis retourné dans le local de ma propre initiative afin de le nettoyer, c'était ma mission. Je l'ai exécutée. »
Il explique sa participation à la séquestration d'Ilan Halimi : « Pour moi, dès que j'ai entendu, je me suis précipité... j'ai voulu me débrouiller tout seul, pas demander toujours à la maman. » Quand il a été conduit à la cave, il dit avoir été choqué, mais n'avoir pas pu reculer, « vu que j'ai vu ». Il dit avoir craint que sa famille ne soit menacée. Pendant ses cinq jours de garde, Cédric B-S-Y dit « c'était la pression, je pensais à plusieurs choses en même temps », la crainte de la police, sa famille. Il dit avoir désapprouvé le fait que l'otage soit blessé au cutter : « Franchement, ça m'a choqué... mon cœur a fait un truc bizarre, comme si ça montait, ça descendait... je l'ai même soigné. Après ça, j'ai dit, je veux arrêter... Là, c'était trop dur. » Quelques jours plus tard, il apprend qu'Ilan Halimi est mort.
Cédric B-S-Y ne savait même pas qu'autant de personnes étaient impliquées dans cette affaire : « On dirait que j'étais un pion... Je ne savais même pas que c'était un juif, j'ai rien contre les juifs ».
Le psychiatre Jean-Claude Archambault note que le sujet a conscience de la gravité de cette affaire : « Elle est grave cette affaire, elle est super grave ». Et comme Ilan Halimi est mort : « encore plus grave que ce que je pensais ». L'expert en conclut que le sujet « ne présente pas un état dangereux pour la sécurité publique, dans le sens où il a conscience de la gravité des faits qu'il a commis ».
Fabrice P. est né en Martinique en 1986. Sa mère travaille aujourd'hui dans une maison de retraite. Son père qui ne l'a pas reconnu, a renoué avec lui, lorsqu'il avait une dizaine d'années. Il a été élevé par ses grands-parents marchands de poissons jusqu'à ses 18 ans.
A propos de la séquestration, de son rôle de geôlier: « Je l'ai fait du 2 au dimanche 5 février 2006. La semaine qui a suivi, j'étais en stage. » il passait alors tous les soirs. Il a raconté aux policiers qu'au début il n'a même pas vu Ilan par terre. Fofana lui avait juste demandé de le suivre dans les sous-sols d'un immeuble : « Youssouf m'a dit qu'il s'agissait de le surveiller et que ça ne durerait que trois jours. Moi je n'étais pas trop d'accord pour rester dans un endroit aussi petit, surtout avec la victime qui était attachée. Youssouf m'a dit que tout allait bien se passer. Il m'a dit aussi que maintenant j'étais au courant et que si je n'acceptais pas, et qu'il y avait un problème il saurait d'où ça venait. Il ne m'a pas dit ce qu'il ferait. Mais j'ai compris que je ne pouvais pas reculer. » Fabrice P. a parlé avec Ilan Halimi : « je savais que c'était difficile pour lui. J'essayais de le rassurer en lui disant qu'il allait partir (...). Mais en même temps, j'osais pas trop lui promettre. Je lui proposais des cigarettes, je lui ai aussi acheté de la nourriture... »
Fabrice P. a assisté à plusieurs scènes de violences infligées à Ilan Halimi. Il a vu Youssouf Fofana lui donner des coups de pieds dans le ventre. Il s'est opposé à Jean-Christophe G. qui le frappait sous prétexte qu'il était juif. Il a assisté à l'épisode du cutter. Pour les besoin d'un cliché de l'otage que Fofana voulait « gore », Samir A.A a coupé Ilan Halimi au visage avec un cutter : « Il voulait que Cédric et moi, on le fasse, mais nous n'étions pas d'accord ».
Le lendemain du départ d'Ilan Halimi, Fabrice P. a nettoyé le local. C'est Samir A.A qui le lui avait demandé, parce qu'il devait rendre les clefs au gardien.
Le psychiatre décrit lors de l'examen un jeune homme qui apparaît « anxieux, triste, en malaise ». Et ajoute : « Il fera état de sentiments de compassion à l'égard de la victime, qui nous sont apparus authentiques ». Et quand on lui demande pourquoi il n'a pas dénoncé les faits à la police, Fabrice P. répond : « j'y ai pensé, mais pour moi, c'était la crainte que les gens savent que j'ai dit ça. »
Pour l'expert, « le sujet ne présente pas un état dangereux pour la sécurité publique dans le sens où il ne semble pas (...) avoir été l'initiateur des faits, et d'autre part il ressent un grand malaise, et se sent coupable ».
Samir A.A en 1978. Ses parents se sont séparés quand il avait 5 ans. Sa mère gère aujourd'hui un restaurant. Son père, algérien, travaillait à la fourrière. Il le voyait peu. Samir A.A a eu affaire à la justice à partir de 17 ans. Il est aujourd'hui père de trois enfants. Il fume du schitt depuis l'âge de 20 ans : « Je noyais mon amertume là-dedans et après c'était une spirale ». A l'époque des faits, Samir A.A consommait 15 joints par jours.
Samir A.A a accepté de « dépanner » Youssouf Fofana, qu'il surnommait « la crapule », et qu'il connaissait depuis l'âge de 15 ans, quand celui-ci lui a demandé de trouver un endroit où retenir quelqu'un deux ou trois jours. Quand il s'est rendu à l'appartement dont il avait fourni les clefs en demandant service au gardien Gilles S., il a découvert Ilan Halimi, allongé, menotté, les pieds attachés par du ruban adhésif, « complètement momifié ». Il a ensuite participé au transfert de l'otage vers la cave. C'est lui qui a donné un coup de cutter au visage de la victime pour une photo que Fofana voulait transmettre à la famille Halimi, afin d'obtenir la rançon espérée. A l'expert, il confie : « cette scène là, elle me hante ». Enfin, Youssouf Fofana lui a raconté comment il avait tué Ilan Halimi, à coups de couteau dans la gorge, à la nuque, avant de l'asperger d'essence, de l'enflammer.
Samir A.A se défend devant le docteur Jean-Claude Archambault d'avoir été le second de Youssouf Fofana : « Moi je ne suis pas son second, second ça voudrait dire que je suis dans la connivence avec cette affaire là... Il n'y avait que moi qui était dans le quartier ». Alors les « petits », les geôliers, « se sont donné le mot entre eux, ils sont venus spontanément étant donné que je ne les envoyais pas balader ».
Lors de son examen, Samir A.A a dit qu'il avait fait « n'importe quoi », qu'il avait eu « le sentiment d'avoir été abusé, j'ai un sentiment de honte, j'ai de la peine pour ce qui s'est passé, pour la victime, j'ai de la peine aussi parce que je suis séparé de ma famille, j'ai peur de ce qui peut se passer par la suite (...) Je vais prendre un truc que j'ai pas voulu et pas pour ses conneries à lui, et en tous els cas, j'ai avoué tous mes faits et gestes, je dois bien la vérité à la famille, mais je vais avoir du mal à leur faire comprendre mon état d'esprit à cette époque là. » Et il a ajouté : « Si je le libérais, j'aurais pu, mais j'aurais eu de sérieux problèmes... La rançon c'est moi qui la payais, j'aurais été une balance ». Enfin, Samir A.A a dit que Youssouf Fofana l'avait menacé, « c'est sa façon d'être (...), physiquement il est au-dessus de vous, et j'étais drogué... Il me plierait en quatre. »
Pour le psychiatre, « le sujet a de son avenir une vision dépressive » (« franchement, j'ai plus d'avenir »). Il ne présente « pas un état dangereux, au sens psychiatrique du terme ».
Sabrina F. est née en 1978, d'une mère comptable, d'un père tenant un magasin de sport. Elle est fille unique et grandit à Bagneux. Sabrina F. parle d'elle au masculin, elle n'a jamais eu de « relation privée », mais beaucoup d'amis hommes.
Sabrina F. a été interpellée avec Franco L. dans le cadre d'une tentative d'enlèvement sur Zouhair W., le 15 octobre 2005. En garde-à-vue, elle évoque une « expédition punitive » ce soir-là. Quelques mois plus tard, après la mort d'Ilan Halimi, certaines personnes mises en examen la citent : Sabrina F. aurait participé à des tentatives d'enlèvements, ou des enlèvements. Pour l'expert psychiatre Nielle Puig, « la banalisation de sa participation est extrême, les explications très succinctes par rapport à sa relation avec Youssouf Fofana ». De lui, elle dit « il n'a jamais été désagréable avec moi ». Pour les autres, « on a dit des trucs pas vrai, je ne connaissais que trois ou quatre personnes » : Franco L., Samir A.A, et Fofana.
Sabrina F. s'attend à une lourde peine à son encontre. Mais : « Ca ne me gêne pas ce que l'on pense, car je ne suis pas comme cela. »
Franco L. est né en 1978 d'un père qu'il dit ne pas connaître, et d'une mère sans profession. Il a vécu jusqu'à l'âge de six ans chez sa grand-mère maternelle à l'Ile Maurice. Lorsqu'il était au collège à Bagneux, il s'est converti à l'Islam. Devant l'expert Muriel Fischman-Mathis, il confie ne pas avoir d'amis juifs, mais affirme n'avoir « aucune haine contre les juifs ». Il lui précise aussi qu'il n'a « rien à voir avec les faits concernant Ilan Halimi ». Au sujet de la tentative d'enlèvement à laquelle il a participé concernant Zouhair W., il explique qu'il ne connaissait même pas le nom de la victime. Il a simplement souhaité rendre service à Youssouf Fofana, qu'il connaît depuis l'adolescence, mais dont il se souvient qu'il a changé après sa première incarcération.
Franco L. voudrait sortir vite de prison. Il dit à l'experte : « Mais ils ont besoin de faire des enquêtes pour démontrer que je ne suis pas dans cette affaire Halimi. » Pendant la séquestration du jeune homme, Franco L. travaillait dans un magasin de vêtements, où il se rendait chaque jour en RER. Il n'allait as à la cité de la Pierre Plate, où se sont déroulés les faits. Il ajoute : « On n'a pas le droit d'enlever la vie, à qui que ce soit. Quand je dis nous, nous c'est nous les êtres humains... » Franco L. a participé à la marche en mémoire d'Ilan Halimi.
L'experte conclut : « Franco L. ne présente pas un état dangereux au plan psychiatrique pour la sécurité publique ».
Née en 1986 à Saint-Brieuc, Tifenn G. a été élevée par sa mère qui deviendra aide-soignante. Son père, un marin-pêcheur, ne l'a pas reconnue et ne vivait pas avec elle. Elle rejoint sa mère à Bagneux à l'âge de 14 ans. Dès l'âge de 12 ans, Tifenn G. des relations difficiles avec sa mère, fugue, fume du schitt, boit des bières.
Tifenn G. est soupçonnée d'avoir fait office de « rabatteuse » pour le compte de Youssouf Fofana. C'est elle qui lui présente deux filles pour servir d'appât, et qui lui souffle le nom d'un camarade d'école, qui sera victime 'une tentative d'enlèvement, Zouhair W. Dont Yalda, avec qui elle partageait une chambre en internat, et qui a amené Ian Halimi à ses ravisseurs. Elle dit d'ailleurs : « C'est ma faute, si elle est dans l'affaire ». Elle reconnaît avoir eu connaissance du projet de séquestration d'Ilan Halimi, puisque Youssouf Fofana lui a dit l'avoir « relâché le 13 février ». Elle a appris sa mort sous torture à la télévision. Elle dit n'avoir jamais vu le jeune homme séquestré. Fin février 2006, depuis la Côte d'Ivoire, Fofana lui a téléphonée. Elle l'a dit à sa mère, qui en a informé la police et Tifenn G. a été placée en garde à vue.
Elle évoque Youssouf Fofana en le nommant par son prénom. Selon l'experte psychiatre, Nielle Puig « Fofana apparaît même comme une figure protectrice (...) Il est pour elle une figure masculine fascinante même si elle s'en défend ». Tifenn le dit : « Fofana ne voulait pas qu'on sache que j'étais dans l'histoire, il ne voulait pas qu'on me voit ». Elle savait qu'il utilisait des filles pour enlever des personnes, mais aurait promis « qu'il n'y aurait aps de violence, qu'il ne les garderait pas plus de deux jours ». Quand le médecin psychiatre lui demande si ce genre de choses ne la dérangeaient pas, elle répond « c'est sa vie à lui ».
Selon la psychiatre, « on relève des traits de personnalité où l'absence d'empathie, l'alternance de mouvements auto et hétéro-agressifs associés à un manque d'intériorisation des limites risquent de se fixer sur un mode pathologique ». Enfin, Tifenne G. « ne présente pas un état dangereux pour la sécurité publique ».
Christophe M. est né en 1983. Il est élevé par sa mère et un homme, chauffeur de taxi, dont il apprendra vers l'âge de 6 ans qu'il n'est pas son père. De son vrai père, il ne sait rien, si ce n'est qu'il vit en Martinique, et qu'il a des enfants.
Il aurait participé à plusieurs tentatives d'enlèvements. Le 20 janvier 2006, c'est lui qui aurait déposé Yalda au rendez-vous avec Ilan Halimi avant le rapt. C'est lui qui, ensuite, l'aurait prise en charge.
Selon l'experte Nielle Puig, Christophe M. a « beaucoup de mal à parler des motifs de mise en examen, il dit qu'il sait qu'il n'a pas fait grand chose et que cela devrait changer. Il assure que les médias ont déformé les faits, que sa mère a gardé tous les articles du Parisien où on le présentait comme le bras droit de Fofana.
Cristophe M. insiste « sur le fait que lui n'était pas au courant des enlèvements, qu'il ne posait pas de questions, se contentant de rendre mes services qu'on lui demandait, veillant à ce qu'on pense qu'il s'agit d'un groupe de copains ou de connaissances et non d'une bande ». A aucun moment, Christophe M. n'est critique à l'égard de Youssouf Fofana. Il précise même qu'il avait sa confiance et refuse l'idée que Youssouf Fofana ait la moindre emprise sur lui.
Il explique à la psychiatre qu'il a été remué par les accusations de viol d'Alexandra S. à son encontre, même si la police lui avait dit qu'il n'y aurait pas de suite, cette dernière s'étant rétractée. Il prétend que cet épisode a perturbé sa relation avec Yalda, qui lui avait justement parlé des violences sexuelles qu'elle avait subies. Il a dit que c'était horrible, qu'il ne ferait « jamais une chose pareille, étant donné les conséquences pour les personnes ». Il considère même que « c'est bien plus grave qu'une séquestration ».
Au début de son incarcération Christophe M. a été placé à l'isolement pendant un mois et demi. Après son arrivée à la Santé, il a été privé des visites de sa mère pendant un moment, parce que les gardiens avaient trouvé sur elle du crack.
Pour l'experte, « à distance des événements, on ne retrouve pas d'éléments en faveur d'une dangerosité potentielle pour autrui ».
Jean-Christophe G. est né en 1989, d'un père guadeloupéen (« Il était violent quand j'étais petit ») et d'une mère marocaine qui travaille comme gouvernante dans un hôtel à Paris.
Le soir de l'enlèvement d'Ilan Halimi, il attendait dans l'appartement de la rue Prokofiev : « Yahia tenait les portes de l'ascenseur... Quand ils sont arrivés en voiture, ils l'ont fait monté, ils sont repartis tout de suite. Il était scotché sur les yeux, la bouche et les pieds. Il avait des menottes en fer, il les a toujours gardées, Fofana avait les clefs (...) Dans l'appartement il était bien, il n'était pas tapé ». Et Jean-Christophe G. précise : « Je lui ai mis quelques tartes quand il faisait du bruit, il y avait des gens à côté dans l'appartement. » Il indique qu'il ne parlait pas avec Ilan Halimi.
A propos de Youssouf Fofana, Jean-Christophe G. le présente comme « un grand », inaccessible, auquel il se soumettait.
Le docteur psychiatre Muriel Fischman-Mathis précise dans son rapport que Jean-Christophe G. « ne dit rien spontanément. Il répond seulement aux questions. Mais au plan de l'histoire et d'une explication voire d'une justification, il ne dit absolument rien ». L'experte ajoute : « Il ne semble pas être capable de communiquer ses émotions et donc d'une certaine façon incapable de recevoir celles des autres ». Jean-Christophe G. est dans une position de « déni partiel », il n'a « jamais de propos de dévalorisation de la victime. Il ne fait état d'aucune haine du juif. C'est la passivité qui domine ». Selon le médecin, le jeune homme comprend très bien de quoi il est accusé. Il dit regretter la mort d'Ilan Halimi, qu'il voudrait demander pardon.
Enfin, Jean-Christophe G. « ne présente pas un état dangereux au plan psychiatrique pour la sécurité publique ».
Gilles S. est né en 1967. Il a été élevé jusqu’à l’âge de huit par ses grands parents paternels avec son frère. Il n’a jamais connu sa mère. Il a peu souvent vu son père. A l’âge de 8 ans, il est placé dans un foyer, où, quelques années plus tard, il aurait tenté de se suicider suite à une agression physique et sexuelle par des « grands ». Ce qui subsiste de cette enfance, selon l’expert, est un « vécu de détresse extrême ». A l’âge de 17 ans, il part à l’armée. Six mois plus tard, il est réformé P4 après une tentative de suicide. Il rencontre sa première femme à l’âge de 15 ans, se marie en 1989, a son premier enfant, divorce en 2000. Il rencontre sa deuxième femme en 2005, avec qui il a une deuxième fille, et qui aujourd’hui ne travaille plus, elle est atteinte de la tuberculose.
Gilles S. raconte à l’expert qu'au début de sa prise de fonction, il trouvait tous les jours les jeunes dans le hall en rentrant dans son appartement. Et quand il tentait de leur faire une remarque, ils lui répondaient «tu es tout seul, on est 15 ». En plus ils avaient les chiens, assure Gilles S. Il avait peur, surtout lorsqu'il était avec « sa femme et la petite ».
A propos de Samir A.A, il explique qu’il cherchait à avoir de bonnes relations, ce qui lui assurait une certaine protection par rapport au groupe des jeunes : « pour une fois que quelqu'un était bien avec moi ».
Gilles S. avait peur : «Quand il y a eu l'histoire ... je devais rien dire». Samir lui aurait dit plusieurs fois «pense à ta famille ... à la petite ». Selon l’expert psychiatre, « Gilles S. considère toujours qu'il était impossible de refuser et qu'il ne pouvait appeler la police
en raison des risques de représailles de la part des jeunes ».
Lors de l’examen qui se tient trois mois et demi après les faits, Gilles S. dit aussi «qu'il n'arrête pas de penser à la maman du jeune » Ilan Halimi. Il est resté en larmes pendant tout l’entretien.
Bien qu'il ait aujourd’hui le sentiment d'une très grande solidarité familiale, il est convaincu
d'être une charge et une cause de difficultés supplémentaires pour eux. Gilles S. pense que «se supprimer serait le mieux ».
L’expert psychiatre note enfin : « A distance des événements, on ne retrouve pas d’éléments en faveur d’une dangerosité potentielle pour autrui. Il n’y a d’agressivité et de dévalorisation que pour lui-même ».
P.S : Ce procès se tient à huis-clos. Aussi ce blog est-il écrit à partir d'informations recueillies, entre autres sources, auprès de personnes qui assistent à l'audience, et dont, bien entendu, nous taisons les noms.
PS2/ Les photos sont placés dans le désordre et n'ont pas forcément de rapport avec les personnes dont on parle dans les paragraphes ou elles sont placés!