Obama: vers un premier grand discours dans une capitale arabe

Publié le par JSS

Depuis son arrivée à la Maison Blanche, Barack Obama a multiplié les mesures symboliques pour marquer sa volonté de rupture avec son prédécesseur George W.Bush. Lundi soir, il a manifesté, cette volonté de rupture en accordant sa première interview en tant que chef de l'État à une chaîne satellitaire de Dubaï : al Arabyia. L'entretien a été tout entier consacré aux relations entre l'Amérique et le monde musulman, et à la volonté d'y apaiser un anti-américanisme exacerbé par la politique de Bush.
"Je compte des musulmans parmi les membres de ma famille, et j'ai vécu dans des pays musulmans", a commencé par rappeler le président américain, jouant à fond la carte de sa biographie et de ses origines métissées et très mondialisées, dont ses prénoms, Barack et Hussein, sont la marque. Né d'un père kényan issu d'une famille musulmane, et ayant vécu lui-même une partie de son enfance en Indonésie - le plus grand pays musulman de la planète - auprès d'un beau-père musulman, Obama a expliqué à ses auditeurs qu'il considère de son devoir d'expliquer aux Américains que l'immense majorité des musulmans dans le monde n'aspirent qu'à la paix et à la prospérité, et de convaincre en retour ces derniers que
"les Américains ne sont pas leurs ennemis".
Il a promis de "faire preuve de respect" envers des pays musulmans auxquels il propose "un nouveau partenariat fondé sur le respect mutuel et les intérêts communs". Le changement de ton est évidemment notable, mais encore plus important peut-être est la volonté manifeste de la nouvelle administration de s'attaquer au dossier du Moyen-Orient d'entrée de jeu. Ses conseillers conviennent que la recherche d'une solution au conflit israélo-palestinien est une des conditions d'une lutte efficace contre le terrorisme islamiste. À la différence de Bush, et même de son prédécesseur démocrate Bill Clinton, Obama et la nouvelle secrétaire d'État, Hillary Clinton, n'ont pas attendu une semaine pour dépêcher sur le terrain un émissaire spécial dont la mission sera d'abord d' "écouter" toutes les parties au lieu de "décider comme trop souvent d'emblée et sans connaître tous les éléments" du dossier".
Dans son interview à al Arabyia, Barack Obama s'est voulu optimiste, disant toujours croire à la possibilité d'un État palestinien viable et être convaincu que "le moment est venu où tous les protagonistes se rendent compte que la voie qu'ils ont empruntée ne mène pas" à la paix et à la prospérité auxquels Israéliens et Palestiniens aspirent les uns et les autres. Durant la campagne électorale, le candidat Obama, soucieux de s'assurer le vote de la communauté juive américaine et de parer aux attaques de la droite républicaine qui tentait de semer le doute sur la réalité de ses convictions religieuses chrétiennes en le faisant passer pour un musulman, avait multiplié les discours très fermes en faveur d'Israël. Il a répété à al Arabyia que l'État hébreu demeurerait toujours "un allié très proche" des États-Unis, et que sa sécurité demeurerait impérative pour Washington. Mais il a aussi déclaré, lors de conversations privées, ne pas vouloir se laisser forcer la main par ceux qui taxent d'hostilité à Israël voire d'antisémitisme toute critique de la politique des "faucons" israéliens.
De la même manière, Barack Obama propose à Téhéran de renouer le dialogue, mais sans céder sur les positions des États-Unis. Il a répété lundi soir être prêt à "tendre la main" aux mollahs, mais seulement si l'Iran "arrête de serrer le poing", c'est-à-dire de poursuivre "son programme d'armement nucléaire, son soutien au terrorisme, et ses menaces contre Israël". Prenant ses fonctions à New York, Susan Rice, nouvelle ambassadrice américaine aux Nations unies, a elle aussi insisté sur la volonté de dialogue de son gouvernement, mais à la condition que l'Iran se plie au préalable aux exigences du Conseil de sécurité de l'ONU, qui lui a intimé d'abandonner sa course à l'arme nucléaire.
Barack Obama pourrait poursuivre son offensive de charme par le choix d'une capitale musulmane pour le premier grand discours qu'il prononcera lors d'un voyage qui devrait avoir lieu dans les 100 premiers jours de son mandat. Mais son offensive risque de rapidement se heurter aux limites imposées par des choix stratégiques américains qui ne sont pas si radicalement différents de ceux de Bush, et de s'ensabler dans les réalités du terrain.

Publié dans USA

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